Faute avouée est à moitié pardonnée mais comment rattraper absolument toutes les plumes d’une poule plumée un jour de grand vent ??
Christopher Dummitt, historien de la culture et de la politique, enseigne à l’université Trent, au Canada. Il avoue dans un texte traduit dans Le Point :
[…] Aujourd’hui, j’aimerais faire mon mea culpa. Mais je ne me contenterai pas d’être désolé pour le rôle que j’ai pu jouer dans ce mouvement. Je veux détailler les raisons qui me faisaient faire fausse route à l’époque, et celles qui expliquent les errements des socio-constructionnistes radicaux contemporains. J’ai avancé les mêmes arguments qu’eux et que je sais qu’ils sont faux. J’ai ma carte du club socio-constructionniste.
J’ai terminé mon doctorat en histoire du genre et publié en 2007 mon premier livre sur le sujet, TheManly Modern : Masculinity in Postwar Canada[Modernité virile : la masculinité dans le Canada d’après-guerre].
Mais ne vous fiez pas au titre, il ne s’agit en réalité que de cinq études de cas datant du milieu du XXe siècle, toutes centrées sur Vancouver, où des aspects « masculins » de la société ont pu faire l’objet d’un débat public.
Pour mes exemples, j’ai pioché dans la culture automobile, le système pénal, un club d’alpinisme, un terrible accident du travail (l’effondrement d’un pont) et une commission royale sur les anciens combattants.
Je n’entrerai pas dans les détails, mais j’ai honte de ma production, surtout en ce qui concerne les deux dernières parties.
J’ai également publié un article tiré de mon mémoire de maîtrise, dont la portée a sans doute été plus large que mes travaux académiques.
C’est un article divertissant consacré aux liens entre les hommes et le barbecue dans le Canada des années 1940 et 1950. Publié pour la première fois en 1998, il a été intégré à plusieurs reprises dans des manuels de premier cycle. Bien des étudiants embarqués dans l’étude de l’histoire du Canada ont été obligés de le lire pour en apprendre davantage sur l’histoire du genre et la construction sociale du genre.
Petit problème : j’avais tort. Ou, pour être un peu plus précis : j’avais partiellement raison.
Et pour le reste, j’ai globalement tout inventé de A à Z.
Je n’étais pas le seul. C’est ce que faisait (et que fait encore) tout le monde. C’est ainsi que fonctionne le champ des études de genre.
Je ne cherche pas à me dédouaner. J’aurais dû faire preuve de plus de discernement. Mais, rétrospectivement, je crois que c’était le cas : je ne me bernais pas moi-même. Raison pour laquelle je défendais ma position avec autant de ferveur, de colère et d’assurance. Cela me permettait de camoufler qu’à un niveau très élémentaire j’étais incapable de prouver une bonne partie de mes propos. Intellectuellement, ce n’était pas jojo.
[…] Mes réponses, je ne les ai pas trouvées dans mes recherches primaires. Je les ai tirées de mes convictions idéologiques, même si, à l’époque, je ne les aurais pas qualifiées ainsi. Sauf que c’est bien ce qu’elles étaient : un ensemble de croyances préconçues et intégrées a priori dans la pénombre académique que sont les études de genre. […]
Vous venez de publier une “Enquête sur la théorie du genre”. Pourtant, depuis Najat Vallaud-Belkacem, nombreux sont les responsables politiques et médiatiques qui ont contesté l’existence d’une telle théorie.
Avez-vous fait une enquête sur un fantôme ?
J’ai fait une enquête sur les conséquences terribles de cet odieux mensonge : une baisse de la vigilance de nombreux parents et professeurs entraînant un développement massif de cette théorie dans l’Education nationale, et plus globalement dans toute la culture. Les complices de ce mensonge portent une lourde responsabilité. J’ai écrit ce livre pour le faire savoir au plus grand nombre afin de réveiller un mouvement de résistance avant qu’il ne soit trop tard, et pour qu’un jour les responsables rendent compte de cet insupportable scandale, qui continue de blesser les enfants et les adolescents, cibles malléables prioritaires des militants du genre pour détruire l’ordre naturel.
Comment définiriez-vous la théorie du genre?
C’est une théorie sociologique qui postule que notre identité sexuelle, masculine ou féminine, que certains veulent appeler « genre », ne serait que le résultat d’une construction sociale, sans aucune influence de notre corps sexué, simple instrument pour vivre et pour avoir du plaisir. En niant toute part de nature, cette théorie affirme donc que les différences généralement constatées entre les hommes et les femmes ne seraient que le produit de cette construction, opérée depuis la nuit des temps par les hommes pour asservir les femmes, et qu’il faudrait donc les déconstruire pour arriver à l’égalité entre les hommes et les femmes. Le désir sexuel entre l’homme et la femme serait lui-même le seul produit de la culture. La théorie du genre a pour objectif d’aboutir à une indifférenciation des sexes et des sexualités. Elle veut abolir toute norme sexuelle pour instituer une multiplicité d’identités sexuelles et de formes de sexualité qui doivent toutes être reconnues comme un enrichissement de la diversité. Pour la théorie du genre, notre identité n’est plus définie par notre sexe biologique, mais par nos désirs, notre ressenti, qui peuvent varier.
Ainsi, les nouveaux manuels de SVT de 2nde pour la rentrée 2019 expliquent aux élèves : « L’identité sexuelle, c’est le fait de se sentir un homme, une femme, ni l’un ni l’autre ou les deux » (manuel Hatier), ou encore que « L’identité, c’est le fait de se sentir homme ou femme », en ajustant le curseur entre les deux (manuel Nathan).Une lycéenne a récemment envoyé un mail aux professeurs et à ses camarades de classe pour leur dire que dorénavant, elle n’était plus une fille mais un garçon, et qu’ils étaient priés de l’appeler non plus Marine mais Marin. Une élève en a été bouleversée, les autres trouvent cela normal. Le formatage des esprits des jeunes par la culture, en premier lieu internet et les séries télévisées, fonctionne parfaitement.
Manuel Nathan SVT 2nd p 235 rentrée 2019
En sciences, et tout spécialement en sciences sociales, les théories fumeuses ont été légion au cours des siècles.
La théorie du genre est une idéologie qui détruit la famille, en fragilisant les liens entre l’homme et la femme, puisque les différences de l’autre sexe sont vues non plus comme un enrichissement mais comme des stéréotypes à abattre. Alors que le couple a besoin de soutien pour bâtir une vie de famille stable en apprivoisant la différence sexuelle, ce qui nécessite un effort constant, cette théorie incite l’homme et la femme à être finalement indépendants, à ne plus avoir besoin l’un de l’autre. Montrant l’autre sexe comme une menace potentielle pour son épanouissement personnel et incitant à une exploration sexuelle de ses désirs, elle alimente l’infidélité conjugale et les divorces, privant ainsi de plus en plus d’enfants de la complémentarité d’un père et d’une mère si essentielle à leur bon développement. En détruisant toutes les normes sexuelles et sexuées, elle atomise la société en fabriquant des individus sexualisés, incapables de relations durables et saines, instables psychologiquement, qui sont en souffrance car finalement dans une grande solitude. En lui faisant miroiter une liberté qui est un leurre, celle de se libérer de ce corps qu’il n’a pas choisi pour assouvir ses désirs, la théorie du genre empêche l’homme de s’accomplir. Car en réalité, le corps révèle l’homme.
En critiquant la théorie du genre, ne risque-t-on pas de”biologiser” les relations hommes-femmes, comme disent les tenants dela théorie?
N’est-il pas vrai qu’une partie des différences entre hommes et femmes relève de la culture? La plupart des différences généralement constatées entre les hommes et les femmes – les fameux stéréotypes sexués que les militants du genre veulent éliminer – sont le résultat d’un accomplissement de la nature par la culture, sans qu’on puisse faire la part entre l’une et l’autre. La masculinité et la féminité sont tout à la fois innées, les gènes XY ou XX agissant en tout point du corps, et acquises, car la masculinité et la féminité se développeront plus ou moins en fonction de l’apprentissage. En cela, elles sont comparables à des aptitudes sportives ou musicales : les dons naturels et l’apprentissage concourent à leur pleine réalisation. Nous sommes nature et culture, sans pouvoir dissocier l’une de l’autre. C’est la culture, qui résulte d’une action des hommes et se développe sur la matrice de la différence sexuelle, qui permet de faire advenir le sens de la nature, qui permet que la nature s’accomplisse : le culturel vient développer le potentiel naturel. Par exemple, si les mères choisissent majoritairement un congé parental et non les pères, ce n’est pas parce que ces derniers les forcent à le faire, ou parce qu’elles ont un salaire moindre du fait de choix de métiers sous-payés (social, soin, enseignement),ou encore parce qu’elles n’ont que ce modèle sous les yeux, mais parce qu’elles ont le désir naturel de s’occuper de leur enfant qu’elles ont porté en elles. De plus en plus, les neuro-sciences mettent en évidence des différences entre les cerveaux masculins et féminins dès la naissance, et expliquent l’impact des différences hormonales entre les hommes et les femmes sur leurs comportements. Bien entendu, certains stéréotypes sont uniquement culturels (cheveux courts pour les hommes, robe pour la femme…). Pour autant, ils ne sont pas nécessairement sans valeur. Quand bien même ils le seraient, ce n’est pas au politique de forcer des évolutions pour les faire disparaître. Ainsi par exemple, en 2018, dans le cadre du concours annuel d’écriture d’un livre non sexiste organisé à l’école par les éditions Talents hauts, avec le soutien de l’Education nationale, des enfants de CP-CE1 ont écrit un livre intitulé Les jupes c’est pour tout le monde, qui relate l’histoire d’un garçon qui veut mettre des jupes et qui entraîne tous les garçons de l’école à adopter cette nouvelle tenue. Une telle table rase par l’école des distinctions sexuées de notre culture n’estrien moins qu’un endoctrinement de nos enfants pour tenter d’effacer la différence sexuelle. Elle est inacceptable. La lutte contre les stéréotypes sexués, qui empêche les enfants et les jeunes de vivre sainement leur sexualité, et la sexualisation précoce sont menées avec force depuis 2012 dans tous les domaines de la société : à l’école, dans la littérature et les dessins animés pour la jeunesse, à l’université, dans les politiques publiques, les publicités, les médias, les films…
Comment ?
Par une uniformisation des comportements des hommes et des femmes, des garçons et des filles, une inversion des stéréotypes sexués (parexemple un livre pour les enfants mettant en scène une princesse qui combat le dragon pour aller délivrer son prince prisonnier), une visibilité de plus en plus grande donnée aux styles de vie LGBT, la banalisation de la pornographie et une éducation à la sexualité à l’école dont le but depuis 2016 est uniquement la recherche de plaisir, avec l’un ou l’autre sexe. « Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles en termes de comportements et de désirs pour les générations futures », telle est la préconisation du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport relatif à l’éducation à la sexualité.