(ARTICLE CNAFC) DISCERNER POUR VOTER EN CONSCIENCE.

Comment faire son choix entre des candidats à nos yeux imparfaits ? Sur quels critères les catholiques doivent-ils fonder leur décision ? Entretien.

Qui sont-ils ?

  • Fabrice Hadjadj est écrivain et philosophe, directeur de l’institut Philanthropos en suisse
  • Le Père Marc Lambret est prêtre du diocèse de Paris et aumônier des parlementaires depuis 2018

Voter est-il si important pour un chrétien dont l’espérance est celle de la vie éternelle ?

Père Marc Lambret – Les chrétiens savent que leur responsabilité pour ce monde vient aussi de leur élection au Royaume qui n’est pas de ce monde. Voter, c’est pour tout être humain une responsabilité à l’égard de tous, mais celle-ci est d’autant plus pressante et grave pour les chrétiens que la charité les presse, et qu’ils sont la lumière du monde par leur baptême. Cet apport qu’ils sont censés fournir à leurs contemporains, personne ne pourra le remplacer. Donc, s’ils manquent à leur devoir, si le sel s’affadit, qu’est-ce qui pourra saler ?

Fabrice Hadjadj – Je voudrais d’abord rappeler que la vie politique  comprend beaucoup d’autres dimensions que l’élection  présidentielle, à commencer par l’exercice de notre métier, ou nos engagements locaux ou associatifs. Je crains toujours que la  présidentielle ne confisque les énergies politiques au profit d’un  grand spectacle d’intronisation et de décapitation successives. En commençant sa vie politique par le bas, le chrétien se souvient que ce qui le commande dans l’action est l’amour du prochain.  Deuxièmement, je rejoins le P. Lambret : être tourné vers le Père Éternel, c’est être tourné vers Celui qui est le créateur de ce monde temporel et donc être confirmé, par la foi en sa Providence, qu’il est bon pour moi d’être né Français et de participer à la vie française au XXIe siècle. Le chrétien, parce qu’il sait que la politique n’est pas tout, a une attitude qui ne pourra jamais le tourner vers des formes totalitaires ou fascisantes. Cette juste distance n’est pas un dédain ou un mépris, mais lui permet d’être suffisamment dégagé pour opérer un discernement.

« En commençant sa vie politique par le bas, le chrétien se souvient que ce qui le commande dans l’action est l’amour du prochain. » Fabrice Hadjadj

Le président ou la présidente de la République peut-il (elle) être un homme ou une femme providentiel(le) ? Quelles attentes faut-il placer en lui (ou elle) ?

Père M. L. – Toutes les époques et toutes les sociétés ont cette tentation de déifier le roi, le chef. Dans notre histoire politique récente, celle-ci a été relayée par le fait que, à la suite de la Seconde Guerre mondiale, nous avons eu des statures historiques comme le général de Gaulle ou François Mitterrand. Il ne faut pas s’étonner si l’éloignement de ces périodes extraordinaires nous prive de rôles  extraordinaires. Mais ce qui me paraît essentiel, concernant notre regard sur l’élection présidentielle, c’est surtout l’affaiblissement d’une grande part des structures institutionnelles, y compris des partis politiques. Voilà pourquoi cette tentation est à la fois plus pressante, plus hystérique et plus désespérée que jamais. Il est donc important de désillusionner nos contemporains.

F.H. – Je trouve très pertinent ce rapport de proportion inverse entre l’affaiblissement institutionnel et le désir d’un homme qui incarne toutes les dimensions du pouvoir. Mais aujourd’hui, les grands enjeux sont des enjeux écologiques, planétaires : dès lors, la dimension historique, nationale, tend à s’affaiblir. On risque de ne même plus rechercher un homme providentiel, mais de se confier, avec la faiblesse des institutions politiques, à des experts, ou même à des systèmes experts et à des algorithmes. Au moins, l’homme providentiel nous présente encore une forme d’incarnation du pouvoir et une figure humaine de responsabilité. D’autre part, la Bible ne cesse de nous parler à la fois de libérateurs – Abraham, Moïse, chacun des Juges… – mais aussi de liberté. On attend un libérateur, mais si l’on se focalise sur lui, celui-ci peut tout d’un coup devenir un dictateur, avec notre consentement. Le Christ, le libérateur par excellence, à un moment, abdique, s’efface. C’est ça la Pentecôte ! C’est le passage de la libération, comme acte passif, à la liberté comme exercice de ma responsabilité. Je ne suis pas l’ennemi de tout libérateur, mais si on se focalise sur la figure du libérateur, on perd sa liberté et sa responsabilité.

Père M. L. – Le risque du passage du prétendu libérateur au despote est réel, si bien qu’avant de voter il faut évaluer le rapport des candidats aux institutions, dont le président est le garant selon la Constitution. La question de la confiance qu’on peut faire aux  candidats pour ce qui est de respecter celles-ci et de les défendre est capitale.

Aucun candidat ne propose un programme qui soit en adéquation parfaite avec l’Évangile et la foi catholique. Peut-on voter pour un moindre mal ?

Père M. L. – Ne cédons pas à la facilité de dire : « Ils sont tous mauvais ! » Certes, ils sont tous mauvais, mais Dieu seul est bon ! Pour répondre à cette question, je vais citer le cardinal Vingt-Trois dans le document publié par les évêques de France en 2011 : « Nous devons soigneusement distinguer ce qui relève de l’impossibilité de conscience et ce qui relève d’un choix encore acceptable, même s’il ne correspond pas totalement à nos convictions, parce que, alors, un bien, même modeste, reste réalisable ou peut être sauvegardé, en tout cas davantage que dans d’autres hypothèses. » Bien sûr, il y a des principes qui doivent être tenus très fermement, à l’aune  desquels certains candidats peuvent se trouver en opposition avec notre foi. Mais pour pouvoir agir, il faut donc soigneusement travailler avant de conclure dans un sens ou dans l’autre. Attention à ne pas habiller un moment d’émotion ou un premier penchant d’une déclaration de principe sur tel ou tel candidat : « celui-là est  insupportable, je le raye ». Nous risquerions d’avaler le chameau en ayant filtré le moucheron. Dès lors, il nous reste à faire une pondération entre les possibles, en nous fiant à des sources institutionnelles et non à des propos de café du commerce.

F. H. – L’ordre de la cité temporelle n’est jamais celui d’une lumière sans ombre et du bien sans tache. Il est normal qu’on soit dans un domaine de pénombre. Le domaine de la politique n’est pas celui des mathématiques, il n’y a pas de propositions univoques, avec des possibilités de déductions, comme on le ferait d’un théorème. On est livré à des situations multifactorielles, dans un domaine où l’on ne maîtrise pas les conséquences, puisqu’elles sont liées à une société multiple et libre et à la contingence propre de l’avenir. Il y a un moment où on fait un choix, de l’ordre de la responsabilité personnelle.

« Attention à ne pas habiller un moment d’émotion ou un premier penchant d’une déclaration de principe sur tel ou tel candidat. Nous risquerions d’avaler le chameau en ayant filtré le moucheron. » Père Marc Lambret

Y a-t-il des critères qui soient prioritaires sur les autres ?

F. H. – C’est la question de l’ordre des biens : est-ce que la défense de la vie l’emporte sur la répartition des richesses ? Imaginons que quelqu’un veuille donner moins aux pauvres et plus aux riches et qu’en même temps il soit contre l’avortement et le mariage pour tous : la réponse n’est pas si claire que ça, et elle appartient à chacun, en conscience. En Italie, le mouvement Communion et Libération donne une consigne de vote à ses membres, sur le seul critère de la liberté de l’Église. Ce à quoi doit veiller le chrétien, c’est qu’il ait la possibilité de défendre la vie, de s’occuper des pauvres, d’enseigner, d’annoncer la Bonne Nouvelle. On peut imaginer un pouvoir qui distribuerait parfaitement les richesses mais qui interdirait tout culte : le chrétien devrait s’y opposer.

M.L. – Le critère principal de la liberté religieuse est une donnée de toujours et partout, même si elle nous échappe en France avec notre tradition laïque. Pourtant, nous n’avons pas du tout à renoncer à ce critère mais à le renforcer. Il porte en lui la question de la liberté de conscience, que Vatican II a reconnue comme un bien de droit divin. Celle-ci ne mène ni au libertarisme ni au libéralisme, mais au respect des droits de chacun, de la personne humaine et de la conscience de chacun. Ce respect est éclairé par le sens de la liberté de l’Église. Voilà le critère principal.

F. H. – Ce critère est doublé par la liberté de l’Église à prêcher la vérité pour que ces personnes puissent librement y avoir accès. Derrière ce critère de liberté, il y a aussi le droit et le devoir à l’enseignement, à l’éducation, et – pour le chrétien – à l’annonce de la Bonne Nouvelle.

M.L. – Bien sûr, reconnaître la liberté de conscience, c’est aussi reconnaître que toute conscience humaine est faite pour la vérité. L’Église est Mater et Magistra, et son sens de la vérité est un service qu’elle doit à tous.

Comment former sa conscience pour faire un choix libre et responsable ?

F. H. – On pourrait penser que le mieux informé est celui qui a suivi tous les débats, qui sait à quoi s’en tenir. Mais ceux-ci sont souvent faits pour qu’il y ait un triomphateur plutôt que pour que des idées soient pesées et développées. Le chrétien sera toujours un très bon politique quand il fera son devoir d’état. C’est là, de proche en  proche, que se joue notre être politique. J’écoute très peu les gens débattre, je lis peu les journaux. Si on ne veut pas que ce soit simplement un spectacle, il faut d’abord être au courant des sujets qui sont en jeu, pas de ce qu’en disent les candidats.

M.L. – Je suis tellement d’accord avec vous que je n’ai pas pensé une seconde à citer les débats ou les professions de foi des candidats pour former la conscience ! Ma recommandation est extrêmement pratique : il faut s’intéresser aux informations et aux discours qui sont repérables, signés et sourcés. Ne vous contentez pas des idées qui traînent. Nous sommes dans une époque de l’image et de l’émotion, ce qui est très ruineux pour la formation éclairée du jugement.

Discerner pour voter en conscience (afc-france.org)

(ARTICLE CNAFC) LETTRE OUVERTE AUX CANDIDATS AUX ELECTIONS LEGISLATIVES.

La dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le Président de la République le 9 juin dernier, provoque de nouvelles élections législatives, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet 2024.

Les AFC, en tant que représentants des familles, prennent leur part au débat et ont adressé ce mercredi 12 juin une lettre ouverte à tous les candidats aux élections législatives.

Ce courrier comprend notamment 15 propositions au sujet de la démographie, de la santé, de l’enfance, du pouvoir d’achat et de la société, qu’elles souhaitent voir prises en compte dans les programmes électoraux et mises en œuvre par la suite.

Lettre ouverte aux candidats aux élections législatives

Madame, Monsieur,

Vous qui candidatez aux élections législatives, vous aurez peut-être à rejoindre l’un des 577 sièges de l’Assemblée nationale. Il vous appartiendra alors de participer de manière active à la destinée de notre pays.

La qualité du travail démocratique est plus que jamais, une nécessité impérieuse ; les Françaises et les Français ont très clairement exprimé leur attente en la matière ce dimanche 9 juin 2024.

La place de la famille dans la société est une question trop souvent, sinon oubliée, à tout le moins cantonnée à des questions financières dans le débat public.

Les Associations Familiales Catholiques qui portent la voix de toutes les familles depuis 1905 vous exhortent à prendre en considération les 15 points suivants dans vos programmes et à les mettre en œuvre le moment venu.

Concernant la démographie, la crise que connaît la France depuis 1974 est due à une natalité inférieure au taux de renouvellement naturel de la population. Les contraintes de garde et les charges financières des ménages n’ont rien facilité. Le modèle social Français étant basé sur la solidarité intergénérationnelle, la chute de la natalité crée un problème réel sur les modalités de financement. Pour y faire face, la natalité doit être accompagnée pour permettre aux couples ayant un projet parental de le mener à bien. Cela passe par :

         1. La mise en place d’un congé court d’un an indemnisé à hauteur de 75% du salaire ;

         2. La revalorisation de la Prestation Parentale d’Education (PreParE) pour passer de 482 à 1100 euros par mois pour le parent qui fait le choix d’un congé parental long du 1er au 3ème anniversaire de l’enfant ;

 3. Le choix rendu aux familles de leur organisation en permettant un partage égal du congé entre les deux parents.

Concernant la santé, le système Français est exsangue et peine à rendre les services promis et attendus. Les déserts médicaux, y compris citadins, se sont fortement développés, continuant à créer des déséquilibres forts dans la population. L’accès aux soins depuis l’anténatal jusqu’à la mort naturelle se doit d’être facile, général et reflet de notre fraternelle générosité. Nous souhaitons ainsi :

         4. La mise en place dans chaque hôpital d’un service de soins palliatifs, accompagné d’un droit opposable à leur accès, et le respect de l’équilibre de la loi Claeys-Léonetti ;

         5. La possibilité d’accéder à un médecin généraliste référent pour tous les Français ;

         6. La garantie de l’indisponibilité du corps humain, et la contribution à l’interdiction mondiale de la Gestation Pour Autrui (GPA).

Concernant l’enfance, la protection et l’éducation doivent revenir au centre des préoccupations des adultes. La jeunesse d’aujourd’hui forme le monde de demain, et toute l’attention doit être portée sur cet état de vie en croissance. Nous demandons :

         7. Un recentrage des enseignements scolaires sur les matières fondamentales et la remise en place de méthodes pédagogiques éprouvées ;

         8. Le respect de la liberté d’enseignement et du choix des familles ;

         9. Une réforme structurelle de l’Aide Sociale à l’Enfance pour une meilleure prise en charge des mineurs qui lui sont confiés.

         10. L’empêchement réel de l’accès aux sites pornographiques par les mineurs, la lutte effective contre l’usage des écrans à l’école et au collège, et un meilleur encadrement des réseaux sociaux accessibles aux jeunes à défaut de leur suppression.

Concernant le pouvoir d’achat, les familles ont particulièrement contribué à l’effort collectif des dernières années, en particulier du fait de la diminution des prestations sociales. Les politiques familiales méritent définitivement d’être considérées comme un investissement, et non une simple charge. Il conviendrait dans un avenir proche de procéder :

         11. Au relèvement du plafond du quotient familial à 2500 EUR par demi-part ;

         12. A la suppression de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et indexer leur évolution en se basant sur celle des salaires ;

         13. Au strict respect du budget de la branche famille (CNAF) de la sécurité sociale, en lui garantissant le bénéfice de ses propres excédents budgétaires.

Concernant la société, et en particulier la famille durable, le noyau constitué par le couple est un véritable ciment social, vecteur d’une grande stabilité. Pour la préserver, nous prônons des mesures visant :

         14. Le renforcement du mariage civil par rapport aux autres modalités d’union ;

         15. Le développement de la préparation à la conjugalité et d’accompagnement pour les couples en difficultés.

Ces différentes mesures nécessiteront votre implication dans la préparation de propositions de Loi ou le soutien à des projets de cette nature. Ces dispositions s’inscrivent dans une compréhension de la famille qui n’est pas exclusivement un objet fiscal mais bien la structure fondamentale de la société Française.

Les familles sont une promesse d’avenir pour la société. Les jeunes générations ont besoin de se projeter dans un modèle positif de famille, adapté aux évolutions de notre société et préparant un avenir meilleur pour nos enfants. Les AFC souhaitent vous accompagner dans ce moment particulier de la campagne et se tiennent à votre disposition.

Investir dans la famille, c’est rebâtir la confiance et préparer l’avenir. Nous voulons compter sur vous !

MESSAGE DU PAPE FRANÇOISÀ L’OCCASION DE LA 4ème JOURNÉE MONDIALEDES GRANDS-PARENTS ET DES PERSONNES ÂGÉES.

28 JUILLET 2024

Ne m’abandonne pas dans la vieillesse” (cf. Ps 70, 9)

Chers frères et sœurs !

Dieu n’abandonne pas ses enfants, jamais. Même lorsque l’âge avance et que les forces diminuent, lorsque les cheveux blanchissent et que le rôle social disparaît, lorsque la vie devient moins productive et risque de paraître inutile. Il ne regarde pas les apparences (1 S 16, 7) et n’hésite pas à choisir ceux qui, aux yeux d’un grand nombre, semblent insignifiants. Il n’écarte aucune pierre. Au contraire, les plus “anciennes” sont la base solide sur laquelle les pierres “nouvelles” peuvent s’appuyer pour construire ensemble l’édifice spirituel (cf. 1 P 2, 5).

Toute l’Écriture Sainte est un récit de l’amour fidèle du Seigneur d’où émerge une certitude réconfortante : Dieu continue à nous montrer sa miséricorde, toujours, dans toutes les phases de la vie et dans n’importe quelle condition où nous sommes, même dans nos trahisons. Les psaumes sont remplis de l’émerveillement du cœur humain devant Dieu qui prend soin de nous, malgré notre petitesse (cf. Ps143, 3-4). Ils nous assurent que Dieu nous a tous tissés dès le sein maternel (cf. Ps 138,13) et qu’il n’abandonnera pas notre vie (cf. Ps 15,10), même dans les enfers. Nous pouvons donc être sûrs que, même dans la vieillesse, Il sera proche de nous d’autant plus que, dans la Bible, vieillir est signe de bénédiction.

Et pourtant nous trouvons aussi dans les psaumes cette invocation pressante faite au Seigneur : « Ne me rejette pas maintenant que j’ai vieilli » (Ps 70, 9). Une expression forte, très crue. Elle fait penser à la souffrance extrême de Jésus qui cria sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46).

Nous trouvons donc dans la Bible la certitude de la proximité de Dieu en toute saison de la vie et, en même temps, la crainte de l’abandon, en particulier dans la vieillesse et dans les moments de souffrance. Ce n’est pas contradictoire. En regardant autour de nous, nous n’avons pas de mal à voir comment ces expressions reflètent une réalité plus qu’évidente. Trop souvent, la solitude est la compagne amère de notre vie, nous qui sommes des personnes âgées et des grands-parents. En tant qu’évêque de Buenos Aires, il m’est souvent arrivé de visiter des maisons de retraite et de me rendre compte à quel point ces personnes recevaient rarement des visites : certaines n’avaient pas vu leurs proches depuis de nombreux mois.

Les causes de cette solitude sont nombreuses. Dans de nombreux pays, surtout les plus pauvres, les personnes âgées se retrouvent seules parce que les enfants sont contraints d’émigrer. Ou encore, je pense aux nombreuses situations de conflit : combien de personnes âgées sont seules parce que les hommes – jeunes et adultes – sont appelés à combattre et les femmes, surtout les mères avec des enfants en bas âge, quittent le pays pour mettre leurs enfants en sécurité. Dans les villes et les villages ravagés par la guerre, beaucoup de vieillards et de personnes âgées restent seuls, uniques signes de vie dans des lieux où règnent l’abandon et la mort. En d’autres parties du monde, il y a une fausse conviction, très enracinée dans certaines cultures locales, qui engendre l’hostilité envers les personnes âgées soupçonnées de recourir à la sorcellerie pour ôter des énergies vitales aux jeunes. C’est pourquoi, en cas de mort prématurée, de maladie ou de sort malheureux touchant un jeune, la faute est rejetée sur une personne âgée. Cette mentalité doit être combattue et éradiquée. Elle est l’un de ces préjugés infondés, dont la foi chrétienne nous a libérés, qui alimente un conflit générationnel entre jeunes et personnes âgées.

Si nous y réfléchissons bien, cette accusation adressée aux personnes âgées de “voler l’avenir aux jeunes” est très présente aujourd’hui partout. Elle se retrouve aussi, sous d’autres formes, dans les sociétés les plus avancées et les plus modernes. Par exemple, la conviction que les personnes âgées font peser sur les jeunes le coût de l’assistance dont elles ont besoin s’est désormais répandue, soustrayant ainsi des ressources au développement du pays, et donc aux jeunes. Il s’agit d’une perception déformée de la réalité. C’est comme si la survie des personnes âgées mettait en danger celle des jeunes ; comme si, pour favoriser les jeunes, il fallait négliger les personnes âgées ou même les supprimer. L’opposition entre les générations est une duperie et un fruit empoisonné de la culture de l’affrontement. Monter les jeunes contre les personnes âgées est une manipulation inacceptable : « Ce qui est en jeu est l’unité des âges de la vie : c’est-à-dire le point de référence réel pour la compréhension et l’appréciation de la vie humaine dans son intégralité » (Catéchèse, 23 février 2022).

Le psaume cité précédemment – où l’on supplie de ne pas être abandonné dans la vieillesse – parle d’une conjuration qui se resserre autour de la vie des personnes âgées. Ces paroles semblent excessives, mais on les comprend si l’on considère que la solitude et le rejet des personnes âgées ne sont ni fortuites ni inéluctables, mais le fruit de choix – politiques, économiques, sociaux et personnels – qui ne reconnaissent pas la dignité infinie de toute personne, « en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu’elle se trouve » (Décl. Dignitas infinita, n. 1). Cela se produit lorsque l’on perd le sens de la valeur de chacun et que les personnes deviennent seulement un coût, trop élevé à payer dans certains cas. Le pire est que, souvent, les personnes âgées elles-mêmes finissent par être sous l’emprise de cette mentalité et en viennent à se considérer comme un poids, voulant elles-mêmes s’effacer.

D’autre part, nombreuses sont les femmes et les hommes aujourd’hui qui cherchent leur épanouissement personnel dans une existence aussi autonome et indépendante que possible des autres. Les appartenances communes sont en crise et les individualités s’affirment ; le passage du “nous” au “je” apparaît comme l’un des signes les plus évidents de notre époque. La famille, qui est la première et la plus radicale contestation de l’idée que l’on peut se sauver tout seul, est l’une des victimes de cette culture individualiste. Mais lorsqu’on vieillit, au fur et à mesure que les forces diminuent, le mirage de l’individualisme, l’illusion de n’avoir besoin de personne et de pouvoir vivre sans liens se révèle pour ce qu’elle est. On se retrouve au contraire à avoir besoin de tout, mais désormais seul, sans aide, sans personne sur qui compter. C’est une triste découverte que beaucoup font quand il est trop tard.

La solitude et le rejet sont devenus des éléments récurrents dans le contexte où nous sommes immergés. Ils ont des racines multiples : dans certains cas, ils sont le fruit d’une exclusion programmée, une sorte de triste “conjuration sociale”. Dans d’autres cas, il s’agit malheureusement d’une décision personnelle. D’autres fois encore, on les subit en prétendant qu’il s’agit d’un choix autonome. « Nous avons perdu le goût de la fraternité » (Lett. enc. Fratelli tutti, n. 33) et nous avons de plus en plus de mal à imaginer quelque chose de différent.

Nous pouvons noter chez de nombreuses personnes âgées ce sentiment de résignation dont parle le livre de Ruth lorsqu’il raconte comment Noémi, âgée, après la mort de son mari et de ses enfants, invite ses deux belles-filles, Orpa et Ruth, à retourner chez elles dans leur pays d’origine (cf. Rt 1, 8). Noémi – comme tant de personnes âgées aujourd’hui – craint de rester seule mais elle ne peut imaginer autre chose. Elle est consciente que, veuve, elle a peu d’importance aux yeux de la société et elle est convaincue d’être un fardeau pour ces deux jeunes qui, contrairement à elle, ont toute la vie devant elles. C’est pourquoi elle pense qu’il vaut mieux se retirer et elle-même invite les jeunes belles-filles à la quitter et à construire leur avenir en d’autres lieux (cf. Rt 1, 11-13). Ses paroles sont un concentré de conventions sociales et religieuses qui semblent immuables et qui marquent son destin.

À ce moment le récit biblique nous présente deux options différentes face à l’invitation de Noémi et donc face à la vieillesse. L’une des deux belles-filles, Orpa, qui aime aussi Noémi, l’embrasse avec affection mais accepte ce qui lui semble être la seule solution possible, et elle s’en va. Ruth, par contre, ne se détache pas de Noémi et lui adresse des mots surprenants : « Ne me force pas à t’abandonner » (Rt1, 16). Elle n’a pas peur de défier les coutumes et le sentiment commun, elle sent que cette femme âgée a besoin d’elle et, avec courage, reste à ses côtés dans ce qui sera le début d’un nouveau voyage pour toutes les deux. Ruth nous enseigne, à nous qui sommes habitués à l’idée que la solitude est un destin inéluctable, qu’à l’invocation “ne m’abandonne pas !” il est possible de répondre “je ne t’abandonnerai pas !”. Elle n’hésite pas à renverser ce qui semble être une réalité immuable : vivre seul ne peut être l’unique alternative ! Ce n’est pas par hasard si Ruth – celle qui reste proche de Noémi âgée – est une ancêtre du Messie (cf. Mt 1, 5), de Jésus, l’Emmanuel, celui qui est le “Dieu avec nous”, celui qui apporte la proximité de Dieu à tous les hommes, de toutes conditions, de tous âges.

La liberté et le courage de Ruth nous invitent à prendre une nouvelle voie : suivons ses pas, mettons-nous en route avec cette jeune femme étrangère et avec la vieille Noémi, n’ayons pas peur de changer nos habitudes et d’imaginer un avenir différent pour nos personnes âgées. Notre gratitude va à toutes les personnes qui, malgré de nombreux sacrifices, ont suivi l’exemple de Ruth et prennent soin d’une personne âgée ou montrent simplement leur proximité quotidienne à des parents ou des connaissances qui n’ont plus personne. Ruth a choisi de rester près de Noémi et a été bénie : par un mariage heureux, une descendance, une terre. Cela vaut toujours et pour tous : en étant proches des personnes âgées, en reconnaissant le rôle irremplaçable qu’elles ont dans la famille, dans la société et dans l’Église, nous recevrons nous aussi de nombreux dons, de nombreuses grâces, de nombreuses bénédictions !

En cette 4ème Journée Mondiale qui leur est dédiée, ne privons pas de notre tendresse les grands-parents et les personnes âgées de nos familles, visitons ceux qui sont découragés et qui n’espèrent plus qu’un avenir différent est possible. À l’attitude égoïste qui conduit au rejet et à la solitude, opposons le cœur ouvert et le visage heureux de celui qui a le courage de dire “je ne t’abandonnerai pas !” et de prendre un chemin différent.

Que ma bénédiction, accompagnée par la prière, vous parvienne à tous, très chers grands-parents et personnes âgées, et à tous ceux qui vous sont proches. Et vous aussi, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 25 avril 2024

FRANÇOIS

« Ne m’abandonne pas dans la vieillesse » (Ps 71.9)

Un message du pape et un kit pastoral pour aider à vivre une Journée sans solitude. 

  • célébrer une messe avec les personnes âgées de la communauté
  • rendre visite à celles qui vivent le plus dans la solitude. 
  • rendre les personnes âgées protagonistes, de la vie de l’Église

KIT PASTORAL :Français – Google Drive

LETTRE OUVERTE AUX CANDIDATS AUX ELECTIONS LEGISLATIVES (CNAFC) : LES AFC DETAILLENT 15 PROPOSITIONS POUR LES FAMILLES.

La fédérations des AFC du Rhône a soumis sous forme de questionnaire ces 15 propositions aux différentes fédérations des mouvements politiques du Rhône.

La dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le Président de la République le 9 juin dernier, provoque de nouvelles élections législatives, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet 2024.

Les AFC, en tant que représentants des familles, prennent leur part au débat et ont adressé ce mercredi 12 juin une lettre ouverte à tous les candidats aux élections législatives.

Ce courrier comprend notamment 15 propositions au sujet de la démographie, de la santé, de l’enfance, du pouvoir d’achat et de la société, qu’elles souhaitent voir prises en compte dans les programmes électoraux et mises en œuvre par la suite.

Lettre ouverte aux candidats aux élections législatives

Madame, Monsieur,

Vous qui candidatez aux élections législatives, vous aurez peut-être à rejoindre l’un des 577 sièges de l’Assemblée nationale. Il vous appartiendra alors de participer de manière active à la destinée de notre pays.

La qualité du travail démocratique est plus que jamais, une nécessité impérieuse ; les Françaises et les Français ont très clairement exprimé leur attente en la matière ce dimanche 9 juin 2024.

La place de la famille dans la société est une question trop souvent, sinon oubliée, à tout le moins cantonnée à des questions financières dans le débat public.

Les Associations Familiales Catholiques qui portent la voix de toutes les familles depuis 1905 vous exhortent à prendre en considération les 15 points suivants dans vos programmes et à les mettre en œuvre le moment venu.

Concernant la démographie, la crise que connaît la France depuis 1974 est due à une natalité inférieure au taux de renouvellement naturel de la population. Les contraintes de garde et les charges financières des ménages n’ont rien facilité. Le modèle social Français étant basé sur la solidarité intergénérationnelle, la chute de la natalité crée un problème réel sur les modalités de financement. Pour y faire face, la natalité doit être accompagnée pour permettre aux couples ayant un projet parental de le mener à bien. Cela passe par :

         1. La mise en place d’un congé court d’un an indemnisé à hauteur de 75% du salaire ;

         2. La revalorisation de la Prestation Parentale d’Education (PreParE) pour passer de 482 à 1100 euros par mois pour le parent qui fait le choix d’un congé parental long du 1er au 3ème anniversaire de l’enfant ;

 3. Le choix rendu aux familles de leur organisation en permettant un partage égal du congé entre les deux parents.

Concernant la santé, le système Français est exsangue et peine à rendre les services promis et attendus. Les déserts médicaux, y compris citadins, se sont fortement développés, continuant à créer des déséquilibres forts dans la population. L’accès aux soins depuis l’anténatal jusqu’à la mort naturelle se doit d’être facile, général et reflet de notre fraternelle générosité. Nous souhaitons ainsi :

             4. La mise en place dans chaque hôpital d’un service de soins palliatifs, accompagné d’un droit opposable à leur accès, et le respect de l’équilibre de la loi Claeys-Léonetti ;

             5. La possibilité d’accéder à un médecin généraliste référent pour tous les Français ;

             6. La garantie de l’indisponibilité du corps humain, et la contribution à l’interdiction mondiale de la Gestation Pour Autrui (GPA).

    Concernant l’enfance, la protection et l’éducation doivent revenir au centre des préoccupations des adultes. La jeunesse d’aujourd’hui forme le monde de demain, et toute l’attention doit être portée sur cet état de vie en croissance. Nous demandons :

             7. Un recentrage des enseignements scolaires sur les matières fondamentales et la remise en place de méthodes pédagogiques éprouvées ;

             8. Le respect de la liberté d’enseignement et du choix des familles ;

             9. Une réforme structurelle de l’Aide Sociale à l’Enfance pour une meilleure prise en charge des mineurs qui lui sont confiés.

             10. L’empêchement réel de l’accès aux sites pornographiques par les mineurs, la lutte effective contre l’usage des écrans à l’école et au collège, et un meilleur encadrement des réseaux sociaux accessibles aux jeunes à défaut de leur suppression.

    Concernant le pouvoir d’achat, les familles ont particulièrement contribué à l’effort collectif des dernières années, en particulier du fait de la diminution des prestations sociales. Les politiques familiales méritent définitivement d’être considérées comme un investissement, et non une simple charge. Il conviendrait dans un avenir proche de procéder :

               11. Au relèvement du plafond du quotient familial à 2500 EUR par demi-part ;

               12. A la suppression de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et indexer leur évolution en se basant sur celle des salaires ;

               13. Au strict respect du budget de la branche famille (CNAF) de la sécurité sociale, en lui garantissant le bénéfice de ses propres excédents budgétaires.

      Concernant la société, et en particulier la famille durable, le noyau constitué par le couple est un véritable ciment social, vecteur d’une grande stabilité. Pour la préserver, nous prônons des mesures visant :

                 14. Le renforcement du mariage civil par rapport aux autres modalités d’union ;

                 15. Le développement de la préparation à la conjugalité et d’accompagnement pour les couples en difficultés.

        Ces différentes mesures nécessiteront votre implication dans la préparation de propositions de Loi ou le soutien à des projets de cette nature. Ces dispositions s’inscrivent dans une compréhension de la famille qui n’est pas exclusivement un objet fiscal mais bien la structure fondamentale de la société Française.

          Les familles sont une promesse d’avenir pour la société. Les jeunes générations ont besoin de se projeter dans un modèle positif de famille, adapté aux évolutions de notre société et préparant un avenir meilleur pour nos enfants. Les AFC souhaitent vous accompagner dans ce moment particulier de la campagne et se tiennent à votre disposition.

          Investir dans la famille, c’est rebâtir la confiance et préparer l’avenir. Nous voulons compter sur vous !

          Lettre ouverte aux candidats aux élections législatives (afc-france.org)

          (ARTICLE CNAFC) LE SPORT, UNE PUISSANTE ECOLE DE VIE.

          Pratiqué en amateur, en professionnel ou à un très haut niveau, le sport est une puissante école de vie. Interview de deux grands connaisseurs du monde du sport.

          Les vertus véhiculées par le sport sont nombreuses. Certaines vous touchent-elles en particulier ?

          Philippe Gonigam Je retiens la logique de paix. Le mouvement sportif est porteur de quelque chose de fantastique dans ce domaine : le 19 juillet prochain, une semaine avant les Jeux, démarrera la trêve olympique. Cette trêve qui existait déjà dans la Grèce Antique a été réintroduite dans les années 1990 et fait aujourd’hui l’objet d’une résolution des Nations-Unies. La guerre en Ukraine a d’ailleurs démarré une semaine après la fin des Jeux d’hiver. Ce mouvement sportif qui réunit l’ensemble des peuples est l’occasion de montrer que l’on est capable, sur un temps donné et sur une décision commune, d’être en situation de paix – même si celle-ci est évidemment relative. On peut transposer cela sur le plan individuel : la paix est toujours le fruit d’une volonté personnelle. Le sport peut ainsi nous encourager à être artisan de paix dans notre famille, dans notre voisinage…

          François Morinière Pour moi, la vertu essentielle du sport, c’est le respect des règles. La genèse des Jeux olympiques, qui ont été le creuset du sport, c’est d’avoir permis à des personnes, des équipes et des territoires de s’affronter autrement que par la guerre. Le sport permet la canalisation de cette violence qui existe depuis le début de l’Humanité : tous les coups ne sont plus permis, cette violence est placée dans un cadre, pour que le plus fort soit reconnu et déclaré ainsi. Avant même d’être une vertu éducative, ce respect des règles est d’abord un concept de vie pour l’Homme.

          Comment allier esprit de compétition et respect de l’autre, sans tomber dans le mépris pour le plus faible ou le culte du champion ?

          P.G. L’adversité existe dès lors qu’on est en compétition. Pour autant, notamment dans des disciplines très techniques ou très fines, l’adversaire devient un « frère exigeant », qui va vous imposer ce chemin qui vous oblige à vous dépasser. Dans ce travail sur soi-même, il devient un miroir. Cela m’impose un respect de cet adversaire : on le combat, mais il n’est pas un ennemi. Dans ma vie personnelle, mon premier adversaire a été mon frère jumeau. J’ai donc vécu cela sur le plan familial en même temps que sportif, mais finalement, même dans une fratrie, on est parfois en situation de concurrence, même avec quelques années d’écart. Cette notion de « frère exigeant » vaut aussi dans le cadre de la famille.

          F.M. Cela peut paraître surprenant pour les personnes qui regardent une compétition de voir les sportifs se donner un geste d’amitié ou de fraternité à la fin d’une compétition. En fait, le sportif de haut niveau se connaît parfaitement bien, il est un cristal de très haute précision : il sait très bien ce en quoi il a raté le coche et s’en veut d’abord à lui-même s’il a perdu. Le respect de l’adversaire vient de là. Après, l’éducation à la compétition est d’abord le rôle des parents, premiers éducateurs de leurs enfants. Vient ensuite l’encadrant qui va être le garant pour leur apprendre ces règles. En ce moment, du fait des difficultés que connaissent beaucoup de familles, ceux-ci se retrouvent malheureusement souvent en première ligne dans un rôle d’éducation tout court dans beaucoup de disciplines – je pense au football qui est le premier sport français. Ils le font avec beaucoup d’engagement mais c’est la limite du système.

          Le sport est un lieu propice à l’éducation intégrale corps-cœur-esprit. Comment inculquer aux jeunes sportifs cet équilibre, et notamment un rapport ajusté à leur corps ?

          P.G. Si on résume l’activité sportive en la limitant aux gestes ou au corps, j’aurais eu une pauvre jeunesse, celle d’un garçon dont l’ambition est de courir plus vite qu’un autre. C’est pourtant cela, le 400 mètres. C’est bien pauvre comme démarche, et encore plus quand on sait l’énergie et le temps que cela demande, et qu’en plus cela fait souffrir. A partir du moment où l’on donne du sens à son engagement dans la compétition, qu’on le positionne bien dans un projet de vie, on est en mesure de mieux sensibiliser aux valeurs, aux vertus et à cet équilibre entre le cœur, le corps et l’esprit.

          F.M. La force physique et la musculation font partie du bagage nécessaire pour le sportif, mais elles ne sont pas les seules. Il faut aussi que l’éducateur insiste sur l’adresse, l’agilité, en prenant des exemples : un 400 mètres haies, ce n’est pas qu’une vitesse de pointe, c’est aussi une très grande agilité et de la souplesse. Je crois aussi à l’importance de pratiquer le sport dans une structure collective, même un club de sport : faire de la musculation chez soi toute la journée n’a rien à voir avec le fait d’aller dans une salle avec d’autres, d’échanger, d’avoir un coach qui va nous conseiller tel ou tel exercice. L’échange permet une forme d’ajustement.

          Le sport est-il apte à répondre aux défis éducatifs propres à notre époque ?

          F.M. Malheureusement, notre modèle éducatif français a longtemps considéré le sport comme la vingtième roue du carrosse, même si des efforts sont faits. On a construit pendant des générations l’éducation des enfants sur des valeurs intellectuelles et non sportives, à l’opposé des modèles anglo-saxon et allemand pour qui l’éducation de la personne reposait sur le binôme corps et esprit. Du coup, c’est important que les parents trouvent les moyens de compléter cette éducation par du sport périscolaire ou en famille.

          P.G. Il y a un autre élément qui complexifie les choses, ce sont les écrans. Ils sont pour nous un concurrent, et je pèse mes mots. Face à des jeunes qui sont en situation d’addiction, notre offre sportive doit être formulée de façon très puissante. Quand je parle des écrans, je pense aussi au e-sport qui est une organisation qui compte un nombre de pratiquants inimaginables. Il nous faut donc prendre le taureau par les cornes, bien comprendre la situation actuelle et reformuler une offre plus séduisante de pratiques sportives dans une vocation d’éducation. A nous d’inventer des solutions, de nouveaux patronages, sachant qu’on a bien identifié la problématique, puisque les responsables politiques évoquent eux-mêmes « l’ensauvagement des jeunes ».

          Est-il possible d’évoluer sainement dans le milieu du sport de haut niveau, malgré les dérives connues (culte de l’argent, harcèlement, dopage…) ?

          P.G. Le constat est en effet terrible : dans le cadre de mon activité syndicale, on a lancé en 2003 un programme de recherche en matière d’évaluation de prévention des risques : sur 400 sportifs professionnels et de haut niveau interrogés, 47 % déclarent avoir été victimes de violences psychologiques, 8 % de violences physiques et 12 % de violences sexuelles. 68 % de ces actes se sont produits en milieu sportif. Comme le sport de haut niveau fait rêver, le sportif s’oublie : il est prêt à tout pour réussir. Tout en encourageant le jeune, il faut donc relativiser, en lui présentant les avantages, les inconvénients et le sens de la pratique. Le sport de haut niveau peut être un chemin très vertueux quand on le pratique avec les bons codes.

          F.M. Les aiguillages qui mènent vers un parcours de haut niveau sont extrêmement fins, et le discernement difficile. Le premier écueil étant la désillusion, il faut de la sincérité de la part du système pour éviter les fausses joies futures. Il faut aussi essayer de jauger la force mentale au-delà de la capacité physique, ce qui n’est pas facile à voir.

          Les Jeux olympiques sont aussi paralympiques : comment la pratique sportive et le monde du sport peuvent-il transmettre le respect de la différence et l’attention aux plus fragiles ?

          F.M. C’est évidemment pour nous chrétiens un sujet très important. Les Jeux paralympiques sont extrêmement importants et porteurs d’espoir pour toutes les personnes handicapées qui verront les Jeux à la télévision, sans compter tout ce qu’ils apportent aux athlètes eux-mêmes. Comme le disait récemment Tony Estanguet [président de Paris 2024, ndlr], ils permettent aussi de reconnaître la capacité de résilience considérable des personnes handicapées, qui sont capables d’arriver à des performances dans des conditions d’entraînement et d’infrastructures beaucoup moins solides et appropriées que celles des valides. Cela demande une capacité énorme pour franchir les étapes, et cela mérite d’être souligné.

          P.G. Si on pose le sujet sur le plan de la différence, on va comparer, classer, ranger les capacités. Alors que si on prend un autre terme sportif qui est celui de la mesure des écarts entre les capacités, on se focalise sur une problématique à laquelle on peut répondre. C’est pour cela qu’il y a des catégories. Même dans le sport valide, entre un garçon ou une fille de 10 ans, on voit bien qu’il y a un écart, même dans une même discipline. La question n’est plus de savoir si on accepte ou pas, cela fait partie du jeu, on a un regard très objectif, sans jugement. Il faut qu’on arrive à ça, dans le handisport et dans la vie.