Le projet de réforme des retraites pénalise les femmes et les familles nombreuses

 Par Mériadec Rivière

Mériadec Rivière, responsable de la politique familiale des Associations familiales catholiques (AFC) expose ses craintes quant à certaines mesures de la réforme des retraites.

Selon lui, celle-ci ne pourra porter de fruits si elle ne s’accompagnepas d’une politique familiale ambitieuse.

Or les familles font partie des grands perdants du projet porté par le gouvernement.

Le projet de réforme des retraites inquiète les associations familiales. Il contient des mesures qui modifient considérablement les “droits familiaux”.

Ces droits (environ 21 milliards d’euros, bénéficiant pour 70 % de leur montant aux femmes) ont pour but de prendre en compte les différences de niveau de vie entre les familles avec enfants et les couples sans enfant, et de compenser les pensions des femmes, qui sont inférieures en moyenne de 40 % à celles des hommes.

Quant à la majoration de durée d’assurance (MDA) de huit trimestres par enfant, dès le premier, qui a pour effet d’augmenter de 65 % en moyenne la pension de retraite des mères ou permet à 20 % d’entre elles de partir en retraite plus tôt, le projet de loiprévoit de la remplacer par une majoration de la pension de 5 % par enfant. Or, cette majoration ne comble pas la suppression de la MDA.

Le projet modifie aussi l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) ouverte aux parents qui n’ont pu exercer suffisamment longtemps d’activité professionnelle. C’est la branche famille de la Sécurité sociale qui cotise pour le compte de ces parents, sur une base de calcul égale au Smic. Or le projet de loi prévoit de réduire cette base à 60 % du Smic et jusqu’aux 6 ans de l’enfant, alors qu’actuellement cette assurance s’exerce jusqu’aux 21 ans de l’aîné. Une telle modification est de nature à pénaliser un grand nombre de familles modestes.

Enfin, l’attribution d’une majoration de 5 % par enfant dès le premier (et 2 % supplémentaire à compter du troisième) peut se révéler pénalisante pour les femmes et les familles nombreuses. En effet, le projet de loi prévoit que la majoration ne pourra porter que sur la pension d’un seul des conjoints ou être partagée par moitié entre les deux conjoints, ceux-ci devant effectuer leur choix à compter des 4 ans de l’enfant, ce qui est beaucoup trop tôt.

Il est à craindre que les couples fassent le choix de faire porter la majoration sur la future pension la plus élevée dans le couple (dans 75 % des cas la pension perçue par l’homme), les femmes se trouvant ainsi pénalisées dans l’avenir. Quant aux familles de trois enfants, une majoration de 17 % (5 + 5 + 5 + 2) portant sur une seule pension peut dans bien des cas se trouver moins intéressante qu’une majoration de 10 % portant sur chacune des deux pensions.

Avec d’autres associations familiales, les Associations familiales catholiques demandent le maintien de l’AVPF sur la base de 100 % du Smic jusqu’aux 21 ans de l’enfant, que le choix de la répartition de la majoration de pension se fasse au moment de la liquidation de la retraite et non aux 4 ans de l’enfant.

Elles proposent également que la majoration d’assurance pour enfant soit remplacée plus simplement par des points forfaitaires pour chaque enfant.

Elles redisent avec force un principe de bon sens : toute réformede notre système de retraite par répartition sera vaine à plus ou moins long terme si elle ne s’accompagne pas d’emblée d’une politique familiale ambitieuse pour notre pays.

La réforme des retraites – aspects familiaux

La réforme des retraites inquiète

Avertissement : Le projet de loi peut encore évoluer, puisqu’aujourd’hui il a été transmis au Conseil d’Etat et aux partenaires sociaux, et qu’il est passé en conseil des ministres le 24 janvier 2020.

Avant même d’être débattu à l’assemblée nationale, il fait déjà l’objet d’un record de 22000 amendements enregistrés par sa commission spéciale ! Par ailleurs, de nombreuses modifications ne passeront que par ordonnance, donc au bon vouloir du gouvernement… Enfin, ce sujet étant d’une très grande complexité, cet article est volontairement simplificateur (régime général uniquement, données actuelles sans tenir compte de la partie de carrière avant les nombreuses réformes précédentes…etc…).

I- Le régime général de retraite, situation actuelle avant la réforme :

Un retraité touche une retraite de base et une retraite complémentaire, qu’il ne peut pas prendre avant ses 62 ans.

Aujourd’hui, la retraite de base, celle de la Sécurité Sociale, est basée sur la durée de cotisation ; quelqu’un né en 1961 aura une retraite « à taux plein » (soit 50% de son salaire moyen, limité au plafond de la sécurité sociale, des 25 meilleures années) s’il a cotisé 42 ans. Avant cette durée, il subira une décote (baisse supérieure à la proportion de durée manquante) sauf s’il attend 67 ans.

La retraite complémentaire (ARRCO et AGIRC) est en points : les cotisations sur la fiche de paie sont converties en points ; au moment du départ à la retraite, le total des points multiplié par la valeur du point détermine le montant de la pension de retraite.

Les aspects familiaux de la retraite :

Les majorations pour enfants (appelées par certains « avantages familiaux » !) : Pour la retraite de base, la mère de famille bénéficie d’une durée de 2 ans par enfant. Par ailleurs, le père et la mère ont chacun une majoration de 10% de leur retraite pour 3 enfants élevés et plus. (depuis 2012 ; avant, règles différentes). A noter que cette majoration est plafonnée à 2071,58 euros par an pour le régime complémentaire (ARRCO-AGIRC). Cette majoration est appliquée aussi aux pensions de réversion.

L’AVPF (Assurance Vieillesse du Parent au Foyer) : L’Assurance Vieillesse des Parents au Foyer (AVPF) prend en charge, sous certaines conditions (de ressources notamment), les cotisations sociales dues au titre de l’assurance vieillesse d’une personne physique ayant à charge un enfant de moins de trois ans ou trois enfants et plus. Ainsi, le parent bénéficie de droits à la retraite de base (Sécurité Sociale), calculés sur la base de 100% du SMIC.

(pour en savoir plus : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2574) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2574

La pension de réversion : Le conjoint survivant a droit à une partie de la retraite de son conjoint décédé, à certaines conditions : uniquement s’ils étaient mariés, à partir de ses 55 ans, et sous conditions de ressources pour la retraite sécurité sociale (pas de conditions de ressources pour ARRCO-AGIRC) ; son montant est de 54% de la retraite de base du conjoint décédé et de 60% de la retraite complémentaire du conjoint décédé.

NB : Pour quelles raisons le système de retraite a-t-il prévu ces majorations familiales ?

Par justice : au fur et à mesure que la famille grandit, de plus en plus de mères de famille abandonnent leur travail (on devrait d’ailleurs dire : leur activité salariée).

Parce que le système par répartition repose sur les cotisations sociales prélevées sur les salariés (et leur employeur) ; et les actifs d’aujourd’hui assurent les pensions des retraités d’aujourd’hui. Les familles élèvent les cotisants de demain ; elles assurent donc l’équilibre du système de retraite autant par le nombre d’enfants (équilibre démographique entre actifs et retraités) qu’en leur donnant une bonne éducation de façon à leur permettre d’avoir un métier (bon salaire générant un bon montant de cotisations sociales).

A noter que le système par répartition ne peut pas s’équilibrer sans famille nombreuse… En bref, les majorations familiales ne sont pas des « avantages familiaux », mais seulement une mesure permettant de pérenniser le système de retraite.

II- Les conséquences familiales de la réforme des retraites :

En préambule : au moment de la mise en place de la réforme (pour les salariés concernés, ceux nés après 1975), la période d’activité antérieure fera l’objet d’un calcul sur les anciennes règles ; et on repartira sur les nouvelles règles pour le futur.

Quatre points de la réforme des retraites ont principalement une influence sur la famille :

a) Le passage en points, qui remet en cause la majoration des 2 années dont bénéficient les mères

b) La suppression de l’AVPF

c) La modification des majorations pour enfants élevés

d) La pension de réversion

a) Passage de durée de cotisation (pour le régime Sécurité Sociale) à un système à points :

Le système universel de retraite sera en points ; il n’y aura donc plus de durée de cotisations, seulement un âge limite (« âge pivot »). Par conséquent, ce système par point est incompatible avec les 2 ans par enfant élevé attribué à la mère de famille… Les mères de famille risquent donc de travailler plus longtemps pour toucher leur retraite. Cependant, pour les salariées nées avant 1975, la durée supplémentaire des 2 ans sera ajoutée à la période d’activité antérieure à la mise en place de la réforme. Par ailleurs, pour les mères nées après 1975, le congé maternité donnera des points en plus, à hauteur des revenus de l’année précédente.

b) La suppression de l’AVPF (Assurance Vieillesse du Parent au Foyer)

Toujours pour les mères nées après 1975, le congé parental donnera des points à hauteur de 60% du SMIC pendant les 3 premières années de l’enfant (6 années à compter du 3°). Cette dernière mesure remplace l’AVPF (Assurance Vieillesse du Parent au Foyer) qui – pour mémoire – donne des droits retraites à hauteur de 100% du SMIC.

c) La modification des majorations pour enfants élevés

A budget constant, la réforme prévoit, à compter de 2025, une majoration pour enfant d’un montant de 5% par enfant (à défaut, pour la mère), à laquelle se rajoute 2% pour le troisième enfant (par défaut partagés entre les deux conjoints).

Conséquences :

• Les mères de 1 ou 2 enfants bénéficieront de majoration (respectivement 5 ou 10%), alors qu’elles n’en avaient pas auparavant.

• Pour 3 enfants, la mère (sauf autre choix avant les 4 ans de l’enfant…) aura 16% de majoration de sa retraite, et le père aura 1% de majoration.

Les familles de 3 enfants sont donc les grandes perdantes…

• Se pose une question pour les familles de 4 enfants ou plus : le rapport Delevoye, comme le site internet gouvernemental sur la réforme de la retraite, mentionne une majoration de 22% pour 4 enfants, etc… Soit 5% par enfant même après 3 enfants, sans limitation.

N’y a-t-il pas de plafond, sachant que dans les attendus de cette modification, il est indiqué qu’elle est faite avec le même budget qu’actuellement ?

d) Réversion

L’âge à partir duquel le conjoint peut toucher la réversion reste finalement à 55 ans (dans le premier projet il avait été fixé à 62 ans…). A partir de 2037, le montant de la pension de réversion serait de 70% de la retraite globale du couple. A priori, il n’y aurait plus de conditions de ressources. Les conditions du droit à réversion sont précisées : non seulement le couple doit être marié, mais aussi le survivant ne doit pas être remarié pour continuer à la toucher.

Conséquences :

• Restons vigilant sur l’âge de 55 ans… la loi peut encore changer !

• Il est difficile de comparer les montants de réversion, avant (montant supplémentaire s’ajoutant aux revenus du conjoint survivant, mais en partie sous condition de ressources) et après (montant global).


Conclusion : Alors, les familles sont elles gagnantes ou perdantes dans cette réforme ?

A l’heure actuelle, difficile de répondre…

En effet, les bases de calcul sont très différentes entre la situation actuelle et le projet de réforme.

Cependant :

• L’âge pivot étant primordial pour avoir une bonne retraite, on peut craindre que les mères de famille doivent travailler plus longtemps pour atteindre le même montant de retraite qu’actuellement.

• Il est certain que les familles de trois enfants sont perdantes, sauf cas exceptionnels : leur majoration n’est plus que de 17% au lieu de 10% pour la mère et 10% pour le père (le seul cas où les familles de trois enfants sont gagnantes est lorsque seul le père a une retraite, et que la famille a opté pour l’attribution de la majoration au père avant les 4 ans de chaque enfant).

Pour les mères de un ou deux enfants, il n’est pas certain que la majoration de 5% par enfant compense la durée supplémentaire d’activité, ou plus exactement la décote qu’elles risquent de subir si elles n’atteignent pas l’âge pivot.

Les mères de famille ayant de petits revenus (donc sous les plafonds de ressources de l’AVPF) sont perdantes en cas de congé parental ; actuellement, l’AVPF a une assiette de 100% du SMIC, alors que le nouveau congé parental donnera des points seulement sur une assiette de 60% du SMIC (et limité en temps à la durée de la PreParE, et non la durée du congé parental).

Pour la pension de réversion, pour les conjoints qui sont en dessous des plafonds de ressources, le nouveau calcul risque d’être pénalisant pour les maris ! En effet, la retraite des femmes est inférieure de 40% à celle des hommes.

Prenons l’exemple où la retraite du mari est de 100 et de sa femme de 60, et que si le conjoint survivant est en dessous des plafonds de ressources de la retraite sécurité sociale : la femme survivante recevra actuellement 54% à 60% de la retraite de son mari, en plus que sa retraite (donc entre 114 et 120) ; dans le futur système, elle recevra 70% du total des retraites (donc 160 x 70% = 112). Donc une baisse, mais limitée. En revanche, si le mari est survivant, il reçoit actuellement 54% à 60% de la retraite de sa femme (60), c’est-à-dire 32 à 36 en plus de sa retraite de 100, donc au total 132 à 136. Avec la réforme, il touchera 112…

Comme on peut l’observer dans les cas ci-dessous, la réforme pénalise en particulier les familles ayant des revenus faibles ou moyens… A suivre !

La réforme des retraites inquiète les AFC…

Avec 4 autres associations familiales (Familles de France, Mouvement Mondial des Mères, Confédération Syndicale des Familles,Associations Familiales Protestantes), les AFC demandent que :

– L’enveloppe des droits familiaux soit maintenue

– Le niveau de pension des mères fasse l’objet d’une grande vigilance

– Le niveau de pension des familles nombreuses soit juste d’une génération à une autre

– L’assurance vieillesse du parent au foyer soit maintenue

– Les droits familiaux soient garantis par la loi

Télécharger le détail

https://oxi90.com/OSZEPXF15/Droits%20familiaux%20-%20position%20commune%20%C3%A0%205%20associations%20familiales.pdf?utm_source=Oximailing&utm_medium=e-mail&utm_campaign=NL_f%C3%A9vrier2020

A lire sur le sujet :

La Croix – Les associations familiales s’inquiètent de la réforme des retraites https://www.la-croix.com/Economie/Social/associations-familiales-sinquietent-reforme-retraites-2020-02-10-1201077452?utm_source=Oximailing&utm_medium=e-mail&utm_campaign=NL_f%C3%A9vrier2020

LCI – Réforme des retraites : « Pour trois enfants, la majoration de pension ne sera plus que de 17% »

https://www.lci.fr/conso-argent/reforme-des-retraites-pourquoi-les-meres-de-famille-nombreuse-pourraient-etre-les-grandes-perdantes-2145144.html 

des retraites : « Pour trois enfants, la majoration de pension ne sera plus que de 17% »

Tribune sur le manque de soutien aux familles nombreuses dans la réforme des retraites, écrite par Rémi Sentis, ancien président de la fédération AFC 92

//fr.aleteia.org/2019/12/20/retraites-comment-les-familles-nombreuses-seront-penalisees/

Une gestion saine des retraites est indissociable d’une saine démographie. Le soutien aux familles avec trois enfants ou plus devrait être prioritaire.

Mais l’importance de ces familles nombreuses est actuellement oubliée.

Quel que soit son système, la gestion des retraites est fondamentalement liée à la démographie. Or l’indice de fécondité de France est tombé en 2018 à 1,87 enfant par femme, l’indice devant être de 2,1 pour le remplacement des générations. Les modalités de calcul de pensions de retraite devraient donc favoriser les familles nombreuses.

Or, selon le rapport de l’Institut de la protection sociale rédigé par Bruno Chrétien et publié fin novembre, avec le projet de réforme du gouvernement, « la perte de droits est d’une ampleur exceptionnelle pour les familles de trois enfants ».

Et cela à cause d’un mauvais système de majoration pour enfants. En effet, avec le système actuel ladite majoration est de 10% pour chacun des deux parents dès que l’on a éduqué trois enfants. Avec le nouveau système, il serait de 17 % pour un seul des deux parents (à choisir quatre ans après chaque naissance) : concrètement la mère sera presque toujours la bénéficiaire.

Par ailleurs, l’acquisition de huit « trimestres supplémentaires de cotisation » pour la mère à la naissance de chaque enfant serait supprimée. Dans le cas classique où le montant de la pension de retraite du mari est supérieur à celui de sa femme, on voit que la perte pour ces retraités va être très sensible.

Prenons un exemple schématique : aujourd’hui, si la pension du mari est de 2.000 euros et celle de l’épouse de 1.000 euros avant majoration, le total est de 3.300 euros après majoration. Avec le nouveau système, l’absence de « trimestres supplémentaires » va mécaniquement faire baisser la pension de l’épouse de 15 à 20%. En étant optimiste, si l’on retient le chiffre de 830 euros augmenté de 17%, on obtient 971 euros, ce qui donne un total de 2.971 euros pour le couple, soit une perte globale de 10% !

Une vision égalitariste de la société

Le nouveau système semble avoir été conçu pour la femme avec son enfant (on lui fera cadeau d’un hochet avec une majoration de 5% de sa retraite dès le premier enfant) ; mais pas du tout dans l’optique d’une famille stable fondée sur le mariage, c’est-à-dire l’environnement favorable pour les familles nombreuses.

Au lieu d’une politique pro-natalité, le projet gouvernemental, conçu de manière purement technocratique dans une vision égalitariste de la société, lance un signal très négatif aux familles nombreuses. La politique familiale est de plus en plus confondue avec la politique sociale. Toute mesure favorisant les familles dont les époux restent unis est refusée, l’axe du droit de la famille n’étant plus le mariage mais une filiation que l’on peut bricoler à souhait.

A fortiori, est refusée toute mesure encourageant les couples à se lancer dans l’aventure de la famille nombreuse.

Enfants, pension de réversion…Ce qui va changer concrètement pour les retraites des femmes

DÉCRYPTAGE – Dans la réforme présentée par Édouard Philippe, les règles vont fortement changer pour la prise en compte de la maternité dans le calcul de la retraite.

Édouard Philippe l’a martelé mercredi, les femmes seront «les grandes gagnantes» de la réforme des retraites. Cette affirmation, qui est depuis sur les lèvres de tout l’exécutif et de la majorité, ne semble pourtant pas si évidente que veut bien laisser l’entendre le premier ministre.

Au contraire les annonces faites n’ont pas dissipé les craintes que le système les pénalise davantage, estiment les nombreux détracteurs du futur régime universel. «Il n’y a pas un bonus femme», reconnaît au Figaro la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes, Marlène Schiappa. «Il y a en revanche toute une succession de mesures pour améliorer la situation des femmes. Nous avons travaillé méthodiquement en regardant ce qui cause des inégalités entre les pensions des hommes et des femmes et on est en train de lever, un par un, tous les points de blocage sur ce sujet», précise-t-elle. À lire aussi : À quoi va ressembler le futur régime universel de répartition par points

https://www.lefigaro.fr/retraite/a-quoi-va-ressembler-le-futur-regime-universel-de-repartition-par-points-20191211

Aujourd’hui, les pensions des hommes sont, en moyenne, 42% plus élevées que celles des femmes, et ce alors que les écarts de salaires sont «seulement» de l’ordre de 24%. Ainsi, en 2017, les hommes touchaient en moyenne 1933 euros brut de pension contre 1123 euros pour les femmes, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS).

Le premier argument avancé par l’exécutif pour améliorer cette situation repose dans la mise en place d’une pension minimale à hauteur de 1000 euros. Si cette mesure n’est pas expressément destinée à ces dernières, elle tendra toutefois à diminuer les inégalités de pension avec les hommes. «Aujourd’hui, 38% des femmes touchent moins de 1000 euros à l’âge de la retraite. Cette première mesure va leur permettre d’atteindre ces 1000 euros de pensions et ce dès 2022», explique Marlène Schiappa.   Toutefois, ce dispositif ne s’appliquera qu’à une condition près : il faudra pouvoir attester d’une carrière complète.

Or, et c’est bien là le problème, les femmes ont dans la plupart du temps des carrières hachées.

Mais la ministre précise que, désormais, les congés de proche aidant ouvriront des droits à la retraite et que le congé maternité sera compensé à 100%.

La disparition des 8 trimestres acquis par enfant

Autre changement majeur pour le calcul de la pension des femmes, les majorations de durée d’assurance (MDA) vont disparaître. Ce mécanisme permettait l’attribution de trimestres d’assurance sans condition d’interruption ou de réduction d’activité, pour chaque enfant dès le premier. Concrètement, la mère de famille recevait quatre trimestres dits «d’accouchement». Puis quatre autres trimestres – dits «d’éducation» – étaient à allouer à l’un des deux parents, selon le choix du couple, mais revenant par défaut à la mère. «Les trimestres avaient un double intérêt, ils pouvaient augmenter les pensions des femmes si elles allaient au bout de leur activité ou alors ils permettaient de terminer plus tôt. Ce que le nouveau système ne permettra plus de faire», explique au Figaro l’Union nationale des associations familiales (Unaf) qui précise que «dans 65% des cas, la MDA fait augmenter la pension des bénéficiaires et dans 20% des cas elle permet de partir plus tôt».

C’est pourquoi l’Unaf a demandé comment sera compensée la suppression des majorations des durées d’assurance pour que les familles ne soient pas pénalisées.

À lire aussi : Les coûts et les économies générés par la réforme des retraites demeurent très flous https://www.lefigaro.fr/social/les-couts-et-les-economies-generes-par-la-reforme-des-retraites-demeurent-tres-flous-20191212

Désormais, pour les femmes qui bénéficieront du régime universel, chaque naissance d’enfant donnera droit à une majoration de 5% des points acquis pour la retraite. Avant les quatre ans de chaque enfant, les couples devront choisir à qui revient cette bonification. Celle-ci pourra être allouée à la mère, au père ou bien être scindée en deux, chaque parent recevant 2,5% de bonification. Sans choix précisé, la mère de l’enfant obtiendra les droits par défaut. Mais il se pourrait, que dans l’intérêt commun de la famille, les couples décident de gonfler la pension du père, souvent plus élevée que celle des femmes. Il faudra donc choisir entre l’intérêt collectif de la famille et l’intérêt des individus. Face à cette critique, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes en appelle à la «responsabilité des couples». «L’État met en place des correctifs pour améliorer la situation des femmes à la retraite, c’est ensuite aux couples de faire leurs choix en soutien à l’autonomie financière des femmes, en ne revenant pas sur l’attribution d’office de la majoration pour les femmes. La situation des couples en 2020 n’est plus la même qu’en 1945, il y a désormais de nombreux divorces et remariages, des familles recomposées. C’est un point à prendre en compte», estime Marlène Schiappa. En cas de divorce, et si la majoration a été donnée toute ou partie au père, ce point pourrait être pris en compte dans le jugement de la séparation, à l’appréciation du juge.

Le cas des familles nombreuses

Le régime universel va également acter la disparition des majorations de pension pour les pères et mères de famille nombreuse. Ce dispositif permettait pour chaque parent, père comme mère, d’engranger un supplément de 10% du montant de leur pension pour le troisième enfant. Et cette majoration est plafonnée, même si le couple a plus de trois enfants.

Désormais, dans la réforme présentée par Édouard Philippe, au troisième enfant, une majoration de 2% supplémentaire sera appliquée aux assurés, en plus des 5% de bonification pour chaque enfant. «Le rebond de 2% pour le 3e enfant est une avancée par rapport au projet initial. Mais si la mère gagne moins, faire le choix d’une attribution à la mère pourra rendre les familles et les femmes perdantes», explique l’Unaf. «Un exemple: pour une famille de trois enfants dont la mère a une pension de 1000 euros et le père de 2000 euros. La bonification était de 10% chacun, soit 300 euros pour le couple. Avec le nouveau système, si la bonification est attribuée au père, la famille est gagnante avec 340 euros, s’ils partagent ils ont 260 euros, et si elle est attribuée à la mère, la famille n’a que 170 euros de bonification. Dans ces conditions, le choix en faveur des femmes n’est pas gagnant pour la famille. C’est pour cela que l’Unaf a demandé un partage.» Au-delà de trois enfants, la bonification reste à préciser dans le régime universel.

À lire aussi : Ces points de la réforme des retraites restés sans réponse https://www.lefigaro.fr/politique/ces-points-de-la-reforme-des-retraites-restes-sans-reponse-20191212

Enfin, les règles pour le calcul de la pension de réversion, perçue à 88% par les femmes à la disparition de leur conjoint, vont être harmonisées.

Le premier ministre a notamment promis que 70% du total des retraites perçues par le couple seraient «garantis» pour le conjoint restant. Mais par rapport aux règles actuelles, la pension ne pourra être perçue qu’à partir de 62 ans, contre 55 ans aujourd’hui dans certains régimes, et que si le couple était encore marié. Actuellement, la pension de réversion peut êtrepartagée au prorata de la durée de mariage entre la dernière épouse et les précédentes. Environ «84.000 femmes âgées de 55 à 62 ans» ne toucheront plus la pension de réversion estime Sophie Binet, dirigeante confédérale de la CGT.