La fin de vie : ce qu’en dit la Doctrine sociale de l’Église

Alors que le pape François a récemment abordé par deux fois le thème de la vieillesse, revenons sur ce que dit le magistère.

Le magistère de la fragilité

En déconsidérant la vieillesse, notre société manque de charité à l’égard des personnes âgées, mais elle se coupe surtout d’une ressource vitale.

Le pape François a récemment abordé par deux fois le thème de la vieillesse, lors de la prière de l’Angélus place Saint-Pierre. Cet âge où « le souvenir des labeurs surmontés et des bienfaits reçus est mis à l’épreuve de la foi et de l’espérance », déclare-t-il (1er juin 2022) en commentant le psaume 70 : « Ne m’abandonne pas alors que décline ma vigueur ». Le pape n’a pas de mots assez forts pour condamner la « lâcheté dans laquelle notre société est en train de se spécialiser » : « Dans cette société du déchet, les personnes âgées sont mises à l’écart et souffrent. » Abusées par des profiteurs, les personnes vieillissantes sont aussi parfois abandonnées par leurs familles, blâme François : « Les personnes âgées sont mises à l’écart, abandonnées dans les maisons de retraite, sans que leurs enfants leur rendent visite, ou s’ils y vont, ils y vont si peu de fois par an. Les personnes âgées se retrouvent mises au coin de l’existence. » Ainsi, continue le pape octogénaire, « nous sommes tous tentés de cacher notre vulnérabilité, de dissimuler notre maladie, notre âge, et notre vieillesse, puisque nous craignons que ce soit l’antichambre de notre perte de dignité. »

Pourtant, comme le psalmiste, « les personnes âgées, en raison de leur faiblesse, peuvent enseigner à ceux qui sont à d’autres âges de la vie que tous nous avons besoin de nous abandonner au Seigneur, d’invoquer son aide. En ce sens, nous devons tous apprendre de la vieillesse. […] Il existe donc un “magistère de la fragilité” [qui] ouvre un horizon décisif pour la réforme de notre propre civilisation. » Les personnes âgées sont une ressource pour la société toute entière, comme l’affirme le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église (§222) : « Elles peuvent non seulement témoigner qu’il y a des secteurs de la vie, comme les valeurs humaines et culturelles, morales et sociales, qui ne se mesurent pas en termes économiques et de profit, mais elles peuvent aussi offrir un apport concret dans le domaine du travail et de la responsabilité. […] Comme le dit l’Écriture sainte, les personnes “dans la vieillesse portent encore du
fruit” ».

Commentant justement ce passage de l’Écriture sainte (psaume 92) lors de l’Angélus du 24 juillet, le pape François a appelé les personnes âgées à dépasser leurs craintes : « La vieillesse est une saison difficile à comprendre, même pour nous qui la vivons déjà. […] Nous devons veiller sur nous-mêmes et apprendre à mener une vieillesse active, même du point de vue spirituel, en cultivant notre vie intérieure à travers la lecture assidue de la Parole de Dieu, la prière quotidienne, l’usage des sacrements et la participation à la liturgie », leur a enjoint le pape. Devant la dureté des temps, « nous avons besoin d’un changement profond, d’une conversion qui démilitarise les cœurs en permettant à chacun de reconnaître en l’autre- un frère. Et nous, grands-parents et personnes âgées, avons une grande responsabilité : enseigner aux femmes et aux hommes de notre temps à voir les autres avec le même regard compréhensif et tendre que nous portons sur nos petits-enfants. Nous avons affiné notre humanité en prenant soin des autres et, aujourd’hui, nous pouvons être des maîtres d’une manière de vivre pacifique et attentive aux plus faibles. »

Billet spirituel

Tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix

Récemment, un médecin exerçant au sein d’une unité de soins palliatifs recevait une jeune femme lourdement malade venant lui demander de l’aider à mourir. Le médecin l’écouta longuement. Au terme de l’entretien, elle demanda : « Au fait, docteur, pourrez-vous aussi penser à me vacciner contre le Covid ? » Le temps d’un entretien poignant, lourd, mais plein d’attention, de délicatesse et de respect, l’envie d’en finir avait laissé place au désir de vivre.

Mais il n’en est pas toujours ainsi dans les familles pour les parents âgés en fin de vie, quand le sentiment d’inutilité occupe toute leur conscience et que la vie a perdu toute saveur. Pour les proches, recevoir ces paroles de désespoir est un choc, cause de questionnements, d’inquiétudes et de souffrance. L’accompagnement dans la durée est lourd. La tentation de céder au désespoir du parent souffrant peut être très forte. La tentation d’abréger ses souffrances en écourtant sa vie peut apparaître.

« C’est Toi qui donnes la vie » dit la prière eucharistique n° 3. C’est  également le seigneur qui la reprend, comme il veut, quand il veut. dans ces moments de grande humanité, qu’il est bon de ne pas porter seul cet accompagnement et d’être habité intérieurement par la foi confiante du vieillard Siméon, illuminée par la rencontre avec le christ. Être là, ensemble, en prière ou silencieux, main dans la main, c’est se préparer à ce dessaisissement qui approche, pour que le grand passage se vive dans la paix, pour celui qui part comme pour ceux qui poursuivront l’aventure de la vie.

Pierre Deprecq, aumonier de la fédération des AFC de Bordeaux