La réforme des retraites – aspects familiaux


La réforme des retraites inquiète

Avertissement : Le projet de loi peut encore évoluer, puisqu’aujourd’hui il a été transmis au Conseil d’Etat et aux partenaires sociaux, et qu’il est passé en conseil des ministres le 24 janvier 2020.

Avant même d’être débattu à l’assemblée nationale, il fait déjà l’objet d’un record de 22000 amendements enregistrés par sa commission spéciale ! Par ailleurs, de nombreuses modifications ne passeront que par ordonnance, donc au bon vouloir du gouvernement… Enfin, ce sujet étant d’une très grande complexité, cet article est volontairement simplificateur (régime général uniquement, données actuelles sans tenir compte de la partie de carrière avant les nombreuses réformes précédentes…etc…).

I- Le régime général de retraite, situation actuelle avant la réforme :

Un retraité touche une retraite de base et une retraite complémentaire, qu’il ne peut pas prendre avant ses 62 ans.

Aujourd’hui, la retraite de base, celle de la Sécurité Sociale, est basée sur la durée de cotisation ; quelqu’un né en 1961 aura une retraite « à taux plein » (soit 50% de son salaire moyen, limité au plafond de la sécurité sociale, des 25 meilleures années) s’il a cotisé 42 ans. Avant cette durée, il subira une décote (baisse supérieure à la proportion de durée manquante) sauf s’il attend 67 ans.

La retraite complémentaire (ARRCO et AGIRC) est en points : les cotisations sur la fiche de paie sont converties en points ; au moment du départ à la retraite, le total des points multiplié par la valeur du point détermine le montant de la pension de retraite.

Les aspects familiaux de la retraite :

Les majorations pour enfants (appelées par certains « avantages familiaux » !) : Pour la retraite de base, la mère de famille bénéficie d’une durée de 2 ans par enfant. Par ailleurs, le père et la mère ont chacun une majoration de 10% de leur retraite pour 3 enfants élevés et plus. (depuis 2012 ; avant, règles différentes). A noter que cette majoration est plafonnée à 2071,58 euros par an pour le régime complémentaire (ARRCO-AGIRC). Cette majoration est appliquée aussi aux pensions de réversion.

L’AVPF (Assurance Vieillesse du Parent au Foyer) : L’Assurance Vieillesse des Parents au Foyer (AVPF) prend en charge, sous certaines conditions (de ressources notamment), les cotisations sociales dues au titre de l’assurance vieillesse d’une personne physique ayant à charge un enfant de moins de trois ans ou trois enfants et plus. Ainsi, le parent bénéficie de droits à la retraite de base (Sécurité Sociale), calculés sur la base de 100% du SMIC.

(pour en savoir plus : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2574) https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2574

La pension de réversion : Le conjoint survivant a droit à une partie de la retraite de son conjoint décédé, à certaines conditions : uniquement s’ils étaient mariés, à partir de ses 55 ans, et sous conditions de ressources pour la retraite sécurité sociale (pas de conditions de ressources pour ARRCO-AGIRC) ; son montant est de 54% de la retraite de base du conjoint décédé et de 60% de la retraite complémentaire du conjoint décédé.

NB : Pour quelles raisons le système de retraite a-t-il prévu ces majorations familiales ?

Par justice : au fur et à mesure que la famille grandit, de plus en plus de mères de famille abandonnent leur travail (on devrait d’ailleurs dire : leur activité salariée).

Parce que le système par répartition repose sur les cotisations sociales prélevées sur les salariés (et leur employeur) ; et les actifs d’aujourd’hui assurent les pensions des retraités d’aujourd’hui. Les familles élèvent les cotisants de demain ; elles assurent donc l’équilibre du système de retraite autant par le nombre d’enfants (équilibre démographique entre actifs et retraités) qu’en leur donnant une bonne éducation de façon à leur permettre d’avoir un métier (bon salaire générant un bon montant de cotisations sociales).

A noter que le système par répartition ne peut pas s’équilibrer sans famille nombreuse… En bref, les majorations familiales ne sont pas des « avantages familiaux », mais seulement une mesure permettant de pérenniser le système de retraite.

II- Les conséquences familiales de la réforme des retraites :

En préambule : au moment de la mise en place de la réforme (pour les salariés concernés, ceux nés après 1975), la période d’activité antérieure fera l’objet d’un calcul sur les anciennes règles ; et on repartira sur les nouvelles règles pour le futur.

Quatre points de la réforme des retraites ont principalement une influence sur la famille :

a) Le passage en points, qui remet en cause la majoration des 2 années dont bénéficient les mères

b) La suppression de l’AVPF

c) La modification des majorations pour enfants élevés

d) La pension de réversion

a) Passage de durée de cotisation (pour le régime Sécurité Sociale) à un système à points :

Le système universel de retraite sera en points ; il n’y aura donc plus de durée de cotisations, seulement un âge limite (« âge pivot »). Par conséquent, ce système par point est incompatible avec les 2 ans par enfant élevé attribué à la mère de famille… Les mères de famille risquent donc de travailler plus longtemps pour toucher leur retraite. Cependant, pour les salariées nées avant 1975, la durée supplémentaire des 2 ans sera ajoutée à la période d’activité antérieure à la mise en place de la réforme. Par ailleurs, pour les mères nées après 1975, le congé maternité donnera des points en plus, à hauteur des revenus de l’année précédente.

b) La suppression de l’AVPF (Assurance Vieillesse du Parent au Foyer)

Toujours pour les mères nées après 1975, le congé parental donnera des points à hauteur de 60% du SMIC pendant les 3 premières années de l’enfant (6 années à compter du 3°). Cette dernière mesure remplace l’AVPF (Assurance Vieillesse du Parent au Foyer) qui – pour mémoire – donne des droits retraites à hauteur de 100% du SMIC.

c) La modification des majorations pour enfants élevés

A budget constant, la réforme prévoit, à compter de 2025, une majoration pour enfant d’un montant de 5% par enfant (à défaut, pour la mère), à laquelle se rajoute 2% pour le troisième enfant (par défaut partagés entre les deux conjoints).

Conséquences :

• Les mères de 1 ou 2 enfants bénéficieront de majoration (respectivement 5 ou 10%), alors qu’elles n’en avaient pas auparavant.

• Pour 3 enfants, la mère (sauf autre choix avant les 4 ans de l’enfant…) aura 16% de majoration de sa retraite, et le père aura 1% de majoration.

Les familles de 3 enfants sont donc les grandes perdantes…

• Se pose une question pour les familles de 4 enfants ou plus : le rapport Delevoye, comme le site internet gouvernemental sur la réforme de la retraite, mentionne une majoration de 22% pour 4 enfants, etc… Soit 5% par enfant même après 3 enfants, sans limitation.

N’y a-t-il pas de plafond, sachant que dans les attendus de cette modification, il est indiqué qu’elle est faite avec le même budget qu’actuellement ?

d) Réversion

L’âge à partir duquel le conjoint peut toucher la réversion reste finalement à 55 ans (dans le premier projet il avait été fixé à 62 ans…). A partir de 2037, le montant de la pension de réversion serait de 70% de la retraite globale du couple. A priori, il n’y aurait plus de conditions de ressources. Les conditions du droit à réversion sont précisées : non seulement le couple doit être marié, mais aussi le survivant ne doit pas être remarié pour continuer à la toucher.

Conséquences :

• Restons vigilant sur l’âge de 55 ans… la loi peut encore changer !

• Il est difficile de comparer les montants de réversion, avant (montant supplémentaire s’ajoutant aux revenus du conjoint survivant, mais en partie sous condition de ressources) et après (montant global).


Conclusion : Alors, les familles sont elles gagnantes ou perdantes dans cette réforme ?

A l’heure actuelle, difficile de répondre…

En effet, les bases de calcul sont très différentes entre la situation actuelle et le projet de réforme.

Cependant :

• L’âge pivot étant primordial pour avoir une bonne retraite, on peut craindre que les mères de famille doivent travailler plus longtemps pour atteindre le même montant de retraite qu’actuellement.

• Il est certain que les familles de trois enfants sont perdantes, sauf cas exceptionnels : leur majoration n’est plus que de 17% au lieu de 10% pour la mère et 10% pour le père (le seul cas où les familles de trois enfants sont gagnantes est lorsque seul le père a une retraite, et que la famille a opté pour l’attribution de la majoration au père avant les 4 ans de chaque enfant).

Pour les mères de un ou deux enfants, il n’est pas certain que la majoration de 5% par enfant compense la durée supplémentaire d’activité, ou plus exactement la décote qu’elles risquent de subir si elles n’atteignent pas l’âge pivot.

Les mères de famille ayant de petits revenus (donc sous les plafonds de ressources de l’AVPF) sont perdantes en cas de congé parental ; actuellement, l’AVPF a une assiette de 100% du SMIC, alors que le nouveau congé parental donnera des points seulement sur une assiette de 60% du SMIC (et limité en temps à la durée de la PreParE, et non la durée du congé parental).

Pour la pension de réversion, pour les conjoints qui sont en dessous des plafonds de ressources, le nouveau calcul risque d’être pénalisant pour les maris ! En effet, la retraite des femmes est inférieure de 40% à celle des hommes.

Prenons l’exemple où la retraite du mari est de 100 et de sa femme de 60, et que si le conjoint survivant est en dessous des plafonds de ressources de la retraite sécurité sociale : la femme survivante recevra actuellement 54% à 60% de la retraite de son mari, en plus que sa retraite (donc entre 114 et 120) ; dans le futur système, elle recevra 70% du total des retraites (donc 160 x 70% = 112). Donc une baisse, mais limitée. En revanche, si le mari est survivant, il reçoit actuellement 54% à 60% de la retraite de sa femme (60), c’est-à-dire 32 à 36 en plus de sa retraite de 100, donc au total 132 à 136. Avec la réforme, il touchera 112…

Comme on peut l’observer dans les cas ci-dessous, la réforme pénalise en particulier les familles ayant des revenus faibles ou moyens… A suivre !


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