Lettre d’opposition à la PMA pour toutes envoyée par un adhérent à tous les députés du Rhône


Le 11 novembre 2019

Monsieur le député,

Nous vous écrivons au sujet de la loi de bioéthique qui consacre « la PMA pour toutes ». L’objectif de ce courrier est de vous témoigner de notre profonde inquiétude et de vous interpeller sur la responsabilité morale qui est la votre.

Nous retenons deux arguments forts à l’encontre de cette loi.

Tout d’abord pouvez-vous nous dire pour quelle maladie souhaitez-vous que la prise en charge soit déremboursée? En effet les moyens de la sécurité sociale étant limités, pour permettre aux personnes de satisfaire leur désir d’enfant, aussi légitime soit-il, il faudra bien financer «la PMA pour toutes» au détriment de l’assistance médicale aux personnes fragilisées par la maladie ou le handicap. Nous pouvons aussi imaginer de réduire encore le nombre de lits aux urgences et ailleurs ou de pressuriser un peu plus le corps médical et paramédical. Nous passons donc d’un système de solidarité à l’attention des personnes en situation de fragilité (maladie, handicap), à un système qui finance des techniques au service de désirs individuels indépendamment de tout problème de santé. Par contre, nous ne sommes pas dupes que la cause homosexuelle est instrumentalisée pour justifier la consécration de ce juteux marché de la procréation qui sera en outre financé par nos impôts. Vous savez aussi que ce mode de financement par la collectivité tente de masquer, au nom d’une fausse solidarité, l’épineux problème de la marchandisation du corps humain.

Nous ne croyons pas davantage au fait que cette loi réponde à un besoin sociétal important, piloté par une opinion de plus en plus favorable. En effet, l’opinion générale est souvent sans discernement, versatile et arbitraire, qui plus est, manipulée par le martelage médiatique et l’artifice des sondages. Nous pensons, monsieur le député que vous avez une responsabilité très lourde qui dépasse le cadre de cette loi. Voter favorablement pour cette loi, c’est valider un eugénisme qui n’en porte pas encore le nom. Le père de la première PMA, Jacques Testard, explique bien que toute PMA passe par une sélection embryonnaire. Toute acte de sélection est donc une forme d’eugénisme. Voulons-nous d’un monde tel que le film « bienvenue à Gattaca » ? Certes le diagnostic pré-implantatoire systématique a été retiré pour le moment de la loi. Mais pouvons-nous penser une seconde que les personnes qui devront utiliser des gamètes le feront sans aucun critère de sélection ? Croyez-vous que les personnes qui ont accès à ces techniques n’utiliseront pas tous les recours possibles pour avoir préférentiellement un enfant de tel sexe, de tel couleur de peau etc ? Les industriels de la procréation savent très bien les profits qu’ils peuvent tirer de ces techniques de sélection. Ils n’attendent que votre vote pour faire sauter les lois qui les empêchent d’atteindre leurs objectifs marchands. Donc si vous votez en faveur de cette loi, vous vous engagez en faveur de l’eugénisme, quelques soient les critères de « bonne conscience » invoqués par les défenseurs du projet de loi.

Nous avons certes tous une part de responsabilité dans ce paradigme du « meilleur des mondes » décrit par Aldous Huxley, qui s’ouvre devant nous : notre indifférence, notre manque de discernement, notre manque d’investissement et de lutte politique au profit de lobbies qui servent des intérêts privés et demain pour certains d’entre nous l’utilisation aveugle de ces techniques de procréation.

Néanmoins votre vote est plus qu’un vote politique, qui représenterait un choix sociétal. Votre vote sera un vote de conscience qui engagera durablement votre responsabilité morale personnelle. En effet, un vote, avant de servir certains intérêts, doit servir le bien commun. Or le bien commun le plus précieux, c’est notre dignité de personne qui inclut notre vulnérabilité. Madame Geneviève de Gaulle-Anthonioz l’a compris dans les camps de la mort et en a fait son combat toute sa vie, notamment en servant la cause d’ATD Quart Monde.

Voter pour l’eugénisme c’est croire que bricoler l’embryon améliorera notre humanité. Nous pensons au contraire que la recherche et la médecine peuvent se faire en respectant l’embryon, qui est une personne en devenir à part entière. Améliorons la santé des personnes certes mais telle que la « nature » nous les offrent, avec leurs tares, leurs défauts, leur maladie, leur imperfection. C’est la garantie, exigeante mais vraie, que toute personne sera acceptée telle qu’elle est et non telle que nous la désirerions. Il y a là un verrou anthropologique, humaniste à ne pas briser. Vous avez aujourd’hui cette responsabilité.

Par exemple, nous avons deux enfants souffrant d’autisme. Nous attendons que la société nous aide à les accompagner, et non pas que la société les considère comme des ratés.

Pensons au procès de Nuremberg qui a opposé pour la première fois à des personnes morales, revendiquant leur obéissance à des injonctions sociétales, le principe d’objection de conscience et de responsabilité morale. Peut-on imaginer que l’histoire jugera cette loi et ceux qu’ils l’ont votée responsables d’une nouvelle forme de marchandisation du corps humain, servitude post-moderne aux technologies du vivant ? Cet argument vous paraîtra peut-être abusif. Pourtant il est très actuel si nous regardons comment notre époque condamne le commerce triangulaire, considéré maintenant comme crime contre l’humanité. Comme nous devons porter collectivement la mémoire d’une France responsable de la traite négrière, nos enfants, petits-enfants ou autres descendants issus d’une généalogie impossible devront assumer les conséquences de cette loi.

En vous remerciant pour l’attention que vous voudrez bien porter à ce courrier, nous vous prions d’accepter, monsieur le député, nos salutations respectueuses.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.