Enfants, pension de réversion…Ce qui va changer concrètement pour les retraites des femmes

DÉCRYPTAGE – Dans la réforme présentée par Édouard Philippe, les règles vont fortement changer pour la prise en compte de la maternité dans le calcul de la retraite.

Édouard Philippe l’a martelé mercredi, les femmes seront «les grandes gagnantes» de la réforme des retraites. Cette affirmation, qui est depuis sur les lèvres de tout l’exécutif et de la majorité, ne semble pourtant pas si évidente que veut bien laisser l’entendre le premier ministre.

Au contraire les annonces faites n’ont pas dissipé les craintes que le système les pénalise davantage, estiment les nombreux détracteurs du futur régime universel. «Il n’y a pas un bonus femme», reconnaît au Figaro la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes, Marlène Schiappa. «Il y a en revanche toute une succession de mesures pour améliorer la situation des femmes. Nous avons travaillé méthodiquement en regardant ce qui cause des inégalités entre les pensions des hommes et des femmes et on est en train de lever, un par un, tous les points de blocage sur ce sujet», précise-t-elle. À lire aussi : À quoi va ressembler le futur régime universel de répartition par points

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Aujourd’hui, les pensions des hommes sont, en moyenne, 42% plus élevées que celles des femmes, et ce alors que les écarts de salaires sont «seulement» de l’ordre de 24%. Ainsi, en 2017, les hommes touchaient en moyenne 1933 euros brut de pension contre 1123 euros pour les femmes, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS).

Le premier argument avancé par l’exécutif pour améliorer cette situation repose dans la mise en place d’une pension minimale à hauteur de 1000 euros. Si cette mesure n’est pas expressément destinée à ces dernières, elle tendra toutefois à diminuer les inégalités de pension avec les hommes. «Aujourd’hui, 38% des femmes touchent moins de 1000 euros à l’âge de la retraite. Cette première mesure va leur permettre d’atteindre ces 1000 euros de pensions et ce dès 2022», explique Marlène Schiappa.   Toutefois, ce dispositif ne s’appliquera qu’à une condition près : il faudra pouvoir attester d’une carrière complète.

Or, et c’est bien là le problème, les femmes ont dans la plupart du temps des carrières hachées.

Mais la ministre précise que, désormais, les congés de proche aidant ouvriront des droits à la retraite et que le congé maternité sera compensé à 100%.

La disparition des 8 trimestres acquis par enfant

Autre changement majeur pour le calcul de la pension des femmes, les majorations de durée d’assurance (MDA) vont disparaître. Ce mécanisme permettait l’attribution de trimestres d’assurance sans condition d’interruption ou de réduction d’activité, pour chaque enfant dès le premier. Concrètement, la mère de famille recevait quatre trimestres dits «d’accouchement». Puis quatre autres trimestres – dits «d’éducation» – étaient à allouer à l’un des deux parents, selon le choix du couple, mais revenant par défaut à la mère. «Les trimestres avaient un double intérêt, ils pouvaient augmenter les pensions des femmes si elles allaient au bout de leur activité ou alors ils permettaient de terminer plus tôt. Ce que le nouveau système ne permettra plus de faire», explique au Figaro l’Union nationale des associations familiales (Unaf) qui précise que «dans 65% des cas, la MDA fait augmenter la pension des bénéficiaires et dans 20% des cas elle permet de partir plus tôt».

C’est pourquoi l’Unaf a demandé comment sera compensée la suppression des majorations des durées d’assurance pour que les familles ne soient pas pénalisées.

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Désormais, pour les femmes qui bénéficieront du régime universel, chaque naissance d’enfant donnera droit à une majoration de 5% des points acquis pour la retraite. Avant les quatre ans de chaque enfant, les couples devront choisir à qui revient cette bonification. Celle-ci pourra être allouée à la mère, au père ou bien être scindée en deux, chaque parent recevant 2,5% de bonification. Sans choix précisé, la mère de l’enfant obtiendra les droits par défaut. Mais il se pourrait, que dans l’intérêt commun de la famille, les couples décident de gonfler la pension du père, souvent plus élevée que celle des femmes. Il faudra donc choisir entre l’intérêt collectif de la famille et l’intérêt des individus. Face à cette critique, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes en appelle à la «responsabilité des couples». «L’État met en place des correctifs pour améliorer la situation des femmes à la retraite, c’est ensuite aux couples de faire leurs choix en soutien à l’autonomie financière des femmes, en ne revenant pas sur l’attribution d’office de la majoration pour les femmes. La situation des couples en 2020 n’est plus la même qu’en 1945, il y a désormais de nombreux divorces et remariages, des familles recomposées. C’est un point à prendre en compte», estime Marlène Schiappa. En cas de divorce, et si la majoration a été donnée toute ou partie au père, ce point pourrait être pris en compte dans le jugement de la séparation, à l’appréciation du juge.

Le cas des familles nombreuses

Le régime universel va également acter la disparition des majorations de pension pour les pères et mères de famille nombreuse. Ce dispositif permettait pour chaque parent, père comme mère, d’engranger un supplément de 10% du montant de leur pension pour le troisième enfant. Et cette majoration est plafonnée, même si le couple a plus de trois enfants.

Désormais, dans la réforme présentée par Édouard Philippe, au troisième enfant, une majoration de 2% supplémentaire sera appliquée aux assurés, en plus des 5% de bonification pour chaque enfant. «Le rebond de 2% pour le 3e enfant est une avancée par rapport au projet initial. Mais si la mère gagne moins, faire le choix d’une attribution à la mère pourra rendre les familles et les femmes perdantes», explique l’Unaf. «Un exemple: pour une famille de trois enfants dont la mère a une pension de 1000 euros et le père de 2000 euros. La bonification était de 10% chacun, soit 300 euros pour le couple. Avec le nouveau système, si la bonification est attribuée au père, la famille est gagnante avec 340 euros, s’ils partagent ils ont 260 euros, et si elle est attribuée à la mère, la famille n’a que 170 euros de bonification. Dans ces conditions, le choix en faveur des femmes n’est pas gagnant pour la famille. C’est pour cela que l’Unaf a demandé un partage.» Au-delà de trois enfants, la bonification reste à préciser dans le régime universel.

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Enfin, les règles pour le calcul de la pension de réversion, perçue à 88% par les femmes à la disparition de leur conjoint, vont être harmonisées.

Le premier ministre a notamment promis que 70% du total des retraites perçues par le couple seraient «garantis» pour le conjoint restant. Mais par rapport aux règles actuelles, la pension ne pourra être perçue qu’à partir de 62 ans, contre 55 ans aujourd’hui dans certains régimes, et que si le couple était encore marié. Actuellement, la pension de réversion peut êtrepartagée au prorata de la durée de mariage entre la dernière épouse et les précédentes. Environ «84.000 femmes âgées de 55 à 62 ans» ne toucheront plus la pension de réversion estime Sophie Binet, dirigeante confédérale de la CGT.